Alexander De Croo (Open vld) s’est montré très déterminé à faire entendre raison l’Allemagne, qui a mis sur la table 200 milliards d’euros pour venir en aide aux familles et aux entreprises allemandes. Le tout sans aucune concertation européenne, ce qui met ses partenaires européens dans l’embarras. Reste à voir si les propos du Premier ministre belge feront une grande impression à Berlin.
Mais la Belgique n’est pas seule : 15 pays ont entre-temps signé la lettre préconisant un plafonnement européen des prix du gaz. Ils veulent ainsi faire baisser collectivement les prix, en inversant la logique du marché : au lieu de se faire concurrence au sein de l’UE, autant utiliser la force collective en achetant ensemble.
Ce qui est intéressant ici, c’est le rôle de la Commission européenne. Elle a traditionnellement toujours été une grande partisane d’un renforcement de l’initiative et du pouvoir de décision au niveau européen. Mais face aux 15 pays, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a refusé de travailler sur le plafonnement du prix du gaz ou les achats groupés. Cela a déclenché des tensions : l’image selon laquelle l’Allemande écoute toujours les instructions de Berlin persiste.
Le fait que le Français Breton et l’Italien Gentiloni, membres éminents de sa propre Commission, s’en prennent désormais ouvertement à l’Allemagne est révélateur : le rôle de Scholz et de son gouvernement fait de plus en plus l’objet de vives critiques. La question est donc de savoir si Mme von der Leyen peut se libérer de son lien avec son pays et oser aller à l’encontre de Berlin.
Le social-démocrate Scholz, qui avait un profil nettement pro-européen en tant que ministre des Finances, semble jouer un rôle très différent en tant que chancelier. Tout au long du conflit, il est resté hésitant à soutenir l’Ukraine, tout comme il hésite depuis des mois à formuler une réponse européenne. Ce que de nombreux pays de l’UE n’ont pas non plus oublié : pendant des années, l’Europe de l’Est a mis en garde l’Allemagne contre une trop grande dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. Les pipelines Nord Stream ont été une énorme épine diplomatique. Et maintenant que ceux-ci ne fonctionnent plus, l’Allemagne choisit à nouveau sa propre voie, sans tenir compte de la solidarité. Voilà la grande frustration.
Ce qui est certainement aussi en jeu : un paquet d’États membres fait pression pour un nouveau plan gigantesque de prêts européens, tout comme à l’époque de la crise sanitaire. Mais cette technique consistant à créer une dette européenne pour aider les États membres de l’UE menace alors de devenir un système permanent. Berlin semble désormais avoir ouvert cette boîte de Pandore, avec son propre bazooka de 200 milliards.
Scholz a dîné lundi soir avec le président français Emmanuel Macron. Ce dernier souhaite vivement une réponse européenne unique et unie, mais semble avoir peu de prise sur son homologue allemand : il n’y a pas eu de tandem franco-allemand jusqu’à présent, dans la crise énergétique.
Par ailleurs, Politico rapporte que le sommet européen de ce week-end à Prague n’aura apparemment pas de conclusions officielles, mais restera « informel », évitant ainsi une longue discussion au finish. Il reviendra au président du Conseil européen, Charles Michel, de faire un résumé oral à la fin du sommet.
Dans le même temps, des projets de déclaration circulent déjà. L’AFP, entre autres, les a déjà vus. Ceux-ci montreraient que les chefs de gouvernement s’accorderaient sur un plafond pour le prix du gaz, que la Commission devrait ensuite fixer. Celle-ci devrait travailler sur « des propositions réalisables pour réduire les prix par un plafonnement du prix du gaz », selon le projet. Cela promet donc de nouvelles discussions très animées à Prague.
BL