La livre turque en chute libre, Erdogan s’obstine dans sa politique monétaire

La monnaie turque n’a jamais été aussi faible par rapport au dollar. La politique économique peu orthodoxe du président Erdogan a mis l’économie turque en danger, et puis la pandémie est arrivée…

Le dollar s’échangeait jeudi contre 7,29999 livres turques; un euro vaut actuellement 8,61 livres. Des montants bien inférieurs à ceux du creux précédent du mois de mai. La monnaie turque a perdu plus de 20% de sa valeur par rapport à la monnaie américaine depuis le début de l’année.

Déficit

Le pays dépense beaucoup plus pour ses importations qu’il ne reçoit en exportant. En clair, il y a bien plus d’argent qui sort du pays que d’argent qui y entre. Un tel déficit est atypique pour un marché émergent comme la Turquie. Cela rend le pays fortement dépendant des capitaux étrangers. Cette situation, combinée à un taux d’inflation de plus de 12%, a creusé la tombe dans la livre.

Par ailleurs, les mesures économiques peu orthodoxes et les échappatoires mis en place par le gouvernement turc depuis environ un an, dans le but de stabiliser la livre stable, lui reviennent désormais comme un boomerang. Les crédits bon marché promus par le gouvernement Erdogan pour alimenter la fragile économie, la baisse des taux d’intérêt introduite par la banque centrale turque après l’éclatement de la crise du coronavirus afin de stimuler le PIB, la vente de 40 milliards de dollars en devises américaines par le biais des banques d’État pour maintenir le dollar à un bas niveau… Toutes ces mesures ont eu l’effet inverse, affirme l’influent économiste turc, Ugur Gurses. ‘Ça ne marche pas, maintenant vous êtes coincés’, a estimé Gurses dans un billet de blog devenu viral.

Ça ne marche pas, maintenant vous êtes coincés

L’économiste et écrivain turc Ugur Gurses, à propos des mesures peu orthodoxes prises par la Turquie pour relancer son économie.

Dans des circonstances normales, le manque de devises étrangères est partiellement compensé par le flux annuel de touristes. Mais cela n’a pas été le cas cette année. Selon le ministère turc du tourisme, au cours du premier semestre 2020, il y a eu 75% de vacanciers en moins qui se sont rendus en Turquie.

Une économie affaiblie depuis des années

Mais avant même que la pandémie ne frappe l’économie turque, le moteur connaissait déjà des ratés. Le pays est officiellement en récession depuis avril. L’année dernière, plus de 2,5 millions de personnes ont perdu leur emploi. La Banque centrale turque a également été fortement critiquée par les observateurs pour avoir utilisé presque toutes ses réserves de devises dans le but de maintenir la livre à un niveau stable. Cette manœuvre a été mise en lumière lorsque qu’une enquête du Financial Times a montré que la banque centrale avait augmenté ses propres réserves via des prêts à court terme.

La force motrice de cette politique monétaire obstinée est le président Erdogan. Il est fermement convaincu de pouvoir faire baisser l’inflation à grands renforts de prêts bon marché. Et il tente par tous les moyens d’imposer sa volonté à la banque centrale qui, en théorie, devrait être indépendante.

Mais pendant ce temps, les entreprises turques doivent rembourser des prêts en dollars, alors que leurs revenus sont en livres, ce qui fait qu’elles ont de plus en plus de mal à s’acquitter de leurs dettes…

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