La guerre des drones au XXIe siècle : quel effet cela fait-il de tirer sur quelqu’un à 1.900 km de distance ?

Les atrocités de la guerre en Ukraine sont largement rapportées dans les médias grand public chaque jour. Des journalistes citoyens équipés de smartphones nous bombardent d’images macabres de ce qui se passe sur les lignes de front. Les détails les plus banals de la vie dans ce pays déchiré par la guerre ne sont pas perdus.

Cependant, on accorde moins d’attention au fait que certaines des frappes sont orchestrées à près de 2.000 km de distance. Les équipes de renseignement ukrainiennes, les pirates informatiques et d’autres chercheurs ont réussi à intercepter les communications des médias sociaux russes et à pirater les bases de données gouvernementales. Leurs conclusions ressemblent à de la science-fiction, mais elles n’en sont pas.

Des Ukrainiens tués à Saint-Pétersbourg

Les missiles qui frappent l’Ukraine ne sont pas nécessairement envoyés depuis des endroits proches des cibles. Par exemple, Bellingcat a découvert qu’une grande partie du personnel militaire programmant les attaques se trouve à des milliers de kilomètres du front. Dans des endroits aussi éloignés que, par exemple, Saint-Pétersbourg.

Bellingcat est un réseau de journalisme d’investigation citoyen qui se spécialise dans la vérification des faits et l’Open-source intelligence (OSINT). [Dans le documentaire Navalny diffusé dimanche sur CNN, ce réseau a révélé les noms des personnes à l’origine de l’empoisonnement présumé du chef de l’opposition Alexeï Navalny en août 2020].

Les personnes qui effectuent ces missions opèrent principalement de manière anonyme et sous de faux noms. Mais Bellingcat mettra fin à cet anonymat dans les prochains jours en ce qui concerne les attaques à la roquette programmées par la Russie contre des cibles ukrainiennes. En rendant publics les noms des pilotes de missiles impliqués.

Un exercice utile, « qui vise à fournir une image plus précise de qui mène réellement cette guerre et souligne la nature changeante de la guerre au XXIe siècle », écrit Gillian Tett dans le Financial Times. Le journaliste se demande également ce que ces pilotes russes à distance pensent de leur travail. Trouvent-ils des circonstances atténuantes pour rationaliser leur mission ? Comment gèrent-ils leurs contradictions ?

Faire la guerre le jour et rentrer chez soi le soir

Selon l’anthropologue Joseba Zulaika, ces « télépilotes » ont des attitudes contradictoires. Il a fait des recherches sur la motivation et les complications psychologiques des pilotes de drones américains opérant depuis la base aérienne de Creech, au Nevada. L’un d’entre eux a revendiqué la responsabilité de la mort de 359 civils dans la guerre américaine contre le terrorisme d’Al-Qaïda.

« Le fait que les contrôleurs de drones soient très éloignés de leurs attaques les a protégés de certaines pressions, mais le manque de contexte et l’horreur de tuer la mauvaise personne à la suite d’une intelligence défectueuse créent de profondes cicatrices mentales », écrit Zulaika.

« Les opérateurs de drones américains subissent une énorme pression psychologique. Dans certains cas, le syndrome de stress post-traumatique. Parce qu’ils font pratiquement la guerre pendant la journée… avant de retourner dans leurs maisons familiales de la banlieue du Nevada », note également Roberto J. González dans son livre War Virtually.

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