Les drones kamikazes des Russes sont bardés de composants occidentaux, et Kiev voudrait frapper leurs usines, y compris chez les alliés de Moscou

Les frappes russes massives de drones kamikazes ont repris, vraisemblablement pour tenter de détruire les infrastructures ukrainiennes avant l’hiver. Mais les analyses des dernières frappent démontrent que ces engins ne sont plus tout à fait les mêmes que l’année dernière. Et Kiev cherche à riposter par tous les moyens à ces bombardements de terreur.

La fuite : le gouvernement ukrainien a envoyé à ses alliés occidentaux un rapport secret détaillant ce qui a pu être analysé des dernières frappes de drones de l’armée russe. Et les fameux Shahed-131 et 136, les engins kamikazes d’origine iranienne, ne sont pas exactement ce qu’ils semblent être, selon ce texte que The Guardian a pu consulter.

Des drones qui ne sont plus vraiment iraniens

  • Après analyse par les services de Kiev, les restes de drones retrouvés dans plus de 600 raids sur des villes ukrainiennes contenaient des technologies occidentales. Ce dossier porte sur les trois mois précédents sa remise, en août dernier, aux gouvernements du G7.
  • « Parmi les fabricants, on trouve des entreprises basées dans les pays de la coalition des sanctions : les États-Unis, la Suisse, les Pays-Bas, l’Allemagne, le Canada, le Japon et la Pologne » assène le texte. Cinq entreprises européennes, dont une filiale polonaise d’une multinationale britannique, sont nommées comme les fabricants d’origine des composants identifiés.
  • Le rapport nuance toutefois qu’il s’agit de composants commerciaux et non spécifiquement militaires. Et les usines de drones les obtiennent vraisemblablement par des moyens détournés. « La production iranienne d’UAV (unmanned aerial vehicles) s’est adaptée et utilise principalement des composants commerciaux disponibles, dont l’approvisionnement est mal ou pas du tout contrôlé », indique le rapport.
  • Ces drones sont aussi de moins en moins iraniens : des lignes de production ont été installées en Russie centrale, ainsi que dans une usine syrienne délocalisée à Novorossiysk (sud de la Russie, sur la mer Noire).
  • Téhéran continue de fournir des composants, mais l’Iran « tente de se dissocier de la fourniture d’armes à la Russie » et n’arrive de toute façon plus à suivre la demande, moins d’un an après le début de ce partenariat.

Kiev veut riposter

Le document qu’a pu consulter le quotidien britannique avançait aussi des pistes pour contrecarrer ces vagues de bombes volantes, qui visent avant tout des cibles civiles. Kiev aimerait riposter en frappant directement à la source.

  • Le texte suggère aux Occidentaux la possibilité de mener « des frappes de missiles sur les usines de production de ces UAV en Iran, en Syrie, ainsi que sur un site de production potentiel dans la Fédération de Russie. […] Les actions ci-dessus pourraient être effectuées par les forces de défense ukrainiennes si les partenaires fournissent les moyens de destruction nécessaires. »
  • Il est peu probable que les alliés donnent le feu vert, mais cela démontre que le gouvernement de Kiev est prêt à aller loin pour contrecarrer les frappes de terreur des Russes. Jusqu’à frapper des cibles situées dans des pays officiellement neutres, même si personne n’est dupe des liens entre Moscou, Téhéran et Damas.

Chasser Wagner en Afrique

Cela marque un nouveau tournant dans la guerre : Zelensky et son état-major sont prêts à intervenir bien au-delà du territoire ukrainien occupé, ou même du territoire russe, pour mettre des bâtons dans les roues de Poutine. Et pas seulement en envisageant de frapper des usines d’armement chez ses alliés.

  • L’Ukraine s’implique aussi en Afrique, pour traquer les sbires de Wagner. Les Ukrainiens ont signalé leur présence au Soudan par une série d’attaques au drone FPV contre la Force de soutien rapide (RSF) du général « Hemetti », allié aux mercenaires russes, relève Le Monde.
  • Kiev n’a pas assumé la responsabilité de ces attaques, mais la méthode est celle de son armée. D’autant que Volodymyr Zelensky venait, coïncidence, de rencontrer le général Abdel Fattah Al-Bourhane, chef de la junte au pouvoir à Khartoum.
  • Le quotidien français note au passage que le nouveau ministre de la Défense de Zelensky, Rustem Umerov, est un Tatar de Crimée. C’est un message clair envoyé à la fois à cette minorité musulmane, et aux pays musulmans d’Afrique et d’Asie, pour la plupart non alignés dans le conflit. Rappelons que cette minorité a durement été réprimée par les Soviétiques, puis après l’annexion de la Crimée en 2014.

« L’Ukraine n’a pas de politique africaine. En revanche, nous avons des comptes à régler avec [le groupe Wagner] et avec la Russie. Chaque officier ukrainien, où qu’il ou elle se trouve, se fera un devoir de contrecarrer leurs plans. »

Yevhen Dikiy, ancien commandant du bataillon de volontaires Aidar
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