Formation fédérale: le coup de poker de Paul Magnette

Au PS, on se rend bien compte que la Vivaldi a très peu de chances d’aboutir. Les discussions avec la N-VA semblent inévitables. Mais personne à la rue de la Loi ne croit qu’une coalition entre les deux partis puisse se faire rapidement. Et s’il s’agissait d’un ultime coup de poker de Paul Magnette pour faire plier l’Open VLD ?

Le lundi, c’est bureau politique. Une tradition lors de laquelle les principaux éléments de chaque parti se rencontrent pour discuter des sujets importants, et déterminer une certaine orientation à prendre. Au PS, ce sont les négociations fédérales qui étaient au menu de ce début de semaine. Et certaines indiscrétions ont fuité dans la presse. Paul Magnette aurait déclaré la Vivaldi ‘définitivement morte’, du nom de cette coalition qui regroupe socialistes-libéraux-écologistes et démocrates-chrétiens.

En fait, les discussions ont été ouvertes et longues (près de 3 heures). Paul Magnette n’a pas reçu officiellement de mandat pour négocier avec la N-VA, nous a-t-on confirmé. Il ne l’a d’ailleurs pas demandé. Mais chacun se rend compte que des discussions avec le parti ennemi sont inévitables. Concernant l’option Vivaldi, devenue presque utopique, le président du PS sent que le prix à payer est lourd pour que les libéraux se passent de la N-VA.

L’autre grande option, ce sont les élections anticipées. Mais si une frange du PS craint une association avec les nationalistes pour l’image du parti, de nouvelles élections comportent également un danger: la montée des extrêmes, rendant toute coalition entre les partis dits traditionnels plus compliquée, mais en fin de compte inévitable. Selon nos sources, ce débat n’a pas été tranché au bureau de parti.

Méfiance

Ce qui est certain, c’est que Paul Magnette ne veut pas être vu comme l’initiateur des discussions avec la N-VA. Il ne se jettera pas seul. C’est pourquoi, avec Conner Rousseau, il a fait le tour des états-majors des partis: ils ont vu chaque président deux fois. Du côté des socialistes flamands, la porte est certainement ouverte avec la N-VA. Là aussi, la Vivaldi ‘est l’option préférée’, dit-on, mais Conner Rousseau a été mandaté pour ‘former un gouvernement quoiqu’il arrive’.

‘Nous devons montrer que le pays est gérable’, entend-on à bonne source. Ce qui est sûr c’est que le président du sp.a ne s’inscrira plus dans les jeux politiques du type ‘on essaye une coalition pour la faire échouer, et au final en désirer une autre’, résume un socialiste flamand. ‘Sorry, nous faisons cela depuis plus d’un an maintenant (…). Mais si Magnette prépare ses troupes, il y a une possiblité’, ajoute-t-il, ce qui laisse peu de place au doute quant à l’option sur la table.

On sait que la méfiance de Paul Magnette est énorme. Pourtant, toute cette communication peut être perçue comme une main tendue. Non sans quelques contradictions: comme le prouve sa sortie précédente – ‘La N-VA supplie de venir au pouvoir’ – qui a fait logiquement grincer des dents chez les nationalistes.

Bart De Wever a fulminé, lui qui n’est déjà pas rassuré par les retours qu’il a du superkern et des propositions socialistes qui y sont formulées. La confiance reste très mince: personne n’a oublié du côté de la N-VA le revirement de situation de Paul Magnette lors de la formation d’un gouvernement d’urgence en mars dernier. Officiellement: la N-VA acceptera une main tendue du PS. Mais en coulisses, les suspicions sont grandes.

‘Si transarent’

Si le PS se considère indispensable, c’est aussi le cas des libéraux. Après tout, les libéraux ont ensemble 26 sièges contre 28 pour la famille socialiste. Ils n’apprécient donc pas la pression qu’exerce Paul Magnette ces dernières semaines. Du côté de l’Open VLD, on accorde peu de confiance à Paul Magnette. Car un gouvernement avec la N-VA peut les mettre hors jeu. Si Magnette fait un geste vers la N-VA, c’est en même temps un couteau sous la gorge de l’Open VLD.

‘Ils nous ont fait savoir que nous devions choisir dès maintenant’, nous explique un libéral. La menace est là: ‘Si la N-VA est présente, vous serez dehors’. Du coup, du côté des libéraux, on pense que cette communication de Paul Magnette est un mouvement de plus pour faire renaître la Vivaldi. Dire une chose pour en obtenir une autre, soit ce que redoutaient les socialistes flamands. ‘Si transparent’, ironise-t-on au sein du top de l’Open VLD. Magnette et Rousseau ‘ne sont pas toujours sur la même longueur d’onde, c’est le moins qu’on puisse dire’.

Egbert Lacheart ne compte en tout cas pas sortir du bois. Tout comme la N-VA, il constate que les mesures proposées à gauche ne sont pas du tout à son goût. Très concrètement ? La mesure décidée au sein du superkern ce samedi concernant des trajets de train gratuits pour chaque Belge. ‘Nous n’allons pas participer à ça’, a fustigé un libéral du nord du pays.

Le PS peut-il bouger ?

Après Ecolo, le MR s’écharpe avec le PS. ‘Nous ne laisserons pas cela passer’, avait prévenu Georges-Louis Bouchez ce samedi lors du superkern. Il faisait référence au laisser-faire des socialistes face à la manifestation antiraciste, en pleine période de déconfinement. Et c’est en effet ce qui s’est passé. Cette tension entre partis francophones ne favorise certainement pas une coalition Vivaldi.

L’autre actu de ces dernières heures, c’est ce qui se joue en ce moment à la tête de la FGTB, syndicat socialiste, mais qui est soupçonné depuis un certain temps d’être phagocyté par le PTB.

L’enjeu est là: où se situe la FGTB sur le spectre politique ? L’interview entre le libéral Georges-Louis Bouchez et le président du syndicat Robert Vernetueil a mené à l’éviction de ce dernier. Un homme qui était sur la même ligne que Paul Magnette (qui a d’ailleurs tenté de venir à son secours). Mais cette interview a surtout ranimé une guerre interne, théâtre d’une lutte idéologique dont l’issue ne laisse que peu de place au doute: la nomination de Thierry Bodson, et donc un coup de barre à gauche toute.

Le PS a-t-il les poings liés ? Comment une FGTB accusée d’être en voie de radicalisation pourra-t-elle un jour accepter une coalition avec la N-VA ? On l’a vu, déjà pas simple de discuter avec le MR. Là où les socialistes flamands n’accordent pas trop d’importance à l’ABVV, Paul Magnette ne veut certainement pas prendre ce risque vis-à-vis de l’aile francophone du syndicat, pas avec le PTB qui court derrière.

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