Entre rivalité et crise de représentativité, le #sofagate est tout un symbole pour l’UE

48 heures plus tard, la polémique ne désenfle pas. Le jeu de chaises musicales entre Charles Michel, Ursula von der Leyen et Recep Tayyip Erdogan est devenu à bien des égards un symbole.

Le parlement veut un débat

Plusieurs groupes politiques, à commencer par le parti de la présidente de la Commission, le PPE, demandent un débat parlementaire. Les deux protagonistes de la mésaventure turque sont priés de venir s’expliquer. Même au sein du groupe Renew Europe, le groupe libéral dont est issu Charles Michel, on n’est pas contraire à discuter de plusieurs questions: l’incident diplomatique, la représentativité de l’Europe et son efficacité sur le plan géopolitique. En interne comme à l’extérieur, le point faible de l’UE est toujours le même: l’image de désunion qu’elle renvoie.

Cela va même très loin. Selon les informations du Soir, un eurodéputé (S&D) ferait même tourner un mail pour récolter des signatures pour demander la démission du président du Conseil européen.

Du côté des chefs d’État et de gouvernement, on se lâche aussi: ‘J’ai été très navré par l’humiliation que la présidente de la Commission a dû subir avec ces, appelons-les pour ce qu’ils sont, dictateurs’, a déclaré le Premier ministre italien Mario Draghi.

Protocole: qui dit vrai ?

A qui la faute? Une guerre des arguments est en cours entre les différentes parties: le service de protocole de Charles Michel, le porte-parole d’Ursula von der Leyen et les services turcs.

Selon la Turquie, la faute incombe à l’UE. Rien n’a été précisé quant à la disposition des deux représentants de l’UE. La Turquie n’aurait pas voulu créer un incident diplomatique, ce que confirment d’ailleurs plusieurs sources européennes. L’intention était apparemment de prendre cette main tendue de l’Europe pour discuter des sujets qui fâchent: la situation dans les eaux grecques et chypriotes, la question migratoire, et le prétexte; la sortie de la Turquie de la Convention d’Istanbul.

Il apparait aussi que les services de protocole d’Ursula von der Leyen n’étaient pas présents, par mesure de sécurité Covid. C’était donc au service de Charles Michel de s’entendre avec les autorités turques pour arranger correctement le protocole. Un service qui n’aurait pas eu accès au salon où s’est déroulé le fameux sofagate, se défend-on. La Turquie réplique: l’incident du siège unique à côté d’Erdogan aurait bien été découvert à temps, mais le service de Charles Michel n’a pas voulu changer la disposition.

Kissinger n’aurait toujours pas de réponse aujourd’hui

Au-delà de cette guéguerre du protocole, des symboles. Le porte-parole d’Ursula von der Leyen a réaffirmé que l’incident avait été assez mal pris, mais qu’au-delà de l’égalité homme-femme, les institutions européennes devaient être traitées de la même manière.

C’est l’éternelle question de la représentativité de l’UE entre les chefs du Conseil européen, de la Commission européenne et même le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères. Un problème déjà soulevé en 1970 par le secrétaire d’État américain Henry Kissinger, qui se demandait qui pouvait-il appeler pour joindre l’Europe. La représentativité en trident n’apporte pas beaucoup plus de réponses.

Et puis il y a la rivalité politique entre Ursula von Leyen et Charles Michel qui veulent tous deux être le visage de l’UE aux yeux du monde. Pour le grand public, le visage de von der Leyen est certainement revenu plus régulièrement dans la presse. En pleine crise de la vaccination au sein de l’UE, Charles Michel ne s’en plaindra certainement pas. Mais les deux protagonistes ont de grandes ambitions internationales. Au-delà de la popote intra-européenne, ils veulent marquer l’Histoire en signant par exemple de grands accords.

Par sa maladresse ou sa mauvaise intention, Charles Michel s’est fait une pub sans précédent. Au niveau extérieur, il a peut-être évité un incident diplomatique, mais en interne son image en ressort très affectée. C’est pourquoi il a fini par réagir – fort tard selon certains – tant sur les réseaux sociaux qu’en TV, hier soir, pendant 50 minutes sur LN24: ‘Je regrette l’impression qui a été donnée d’une forme de dédain ou de mépris pour la présidente de la Commission, ou les femmes en général. J’ai rembobiné 150 fois (l’incident) dans ma tête.’ Il estime toutefois qu’une réaction de sa part ‘aurait pu provoquer un incident bien plus grave’.

Une réunion de présidents des partis européens devra décider si la question sera abordée au Parlement la semaine prochaine.

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