Comment la Russie pourrait répondre à l’embargo européen sur son pétrole

Les dirigeants de l’UE ont décidé lundi d’interdire 90% du brut russe d’ici la fin de l’année, dans le cadre du sixième train de sanctions prises par l’Union à l’encontre de la Russie depuis son invasion de l’Ukraine. Une décision qui aura pris longtemps à se concrétiser, laissant un délai pour s’y préparer, tant pour les occidentaux que pour Vladimir Poutine. La Russie ne va certainement pas rester les bras croisés à attendre qu’on veuille bien à nouveau du produit d’exportation qui a le plus contribué à son redressement économique après les crises ayant suivi la chute de l’Union soviétique.

« La réponse russe sera évidemment à surveiller de près », a déclaré Helima Croft, responsable de la stratégie mondiale des matières premières chez RBC Capital Markets, dans une note publiée mardi et rapportée par le média économique CNBC. Car face à ce mouvement des Européens, le gouvernement russe ne voudra pas rester sur en échec et cherchera à retourner la situation, si pas à son profit, au moins suffisamment pour consolider son économie. Et plusieurs options s’offrent à lui.

Chercher de nouveaux acheteurs

Cela avait plutôt bien réussi à la Russie lors des premières vagues de sanctions occidentales : le pays avait redirigé sa production, bradée, vers l’Asie en général et la Chine et l’Inde en particulier, usant parfois de moyens détournés pour livrer discrètement certains clients. Et c’est la ligne officielle du Kremlin: « Si l’UE ne veut plus de nos barils, on se trouvera quelqu’un de moins difficile. » Les dernières déclarations sur Twitter de Mikhail Ulyanov, le représentant permanent de la Russie auprès des organisations internationales à Vienne.

« Le fait que ces barils se retrouvent en Inde, en Chine et en Turquie pourrait dépendre de la décision de l’UE de cibler les services de transport maritime et d’assurance et de la décision des États-Unis d’imposer des sanctions secondaires de type iranien », poursuit Helima Croft dans sa note. En attendant, l’Inde, normalement un client très secondaire pour la Russie, lui a acheté 11 millions de barils en mars. Ce chiffre est passé à 27 millions en avril et à 21 millions en mai. Quant à la Chine, de mars à mai, elle a acheté 14,5 millions de barils, soit trois fois plus qu’à la même période l’année dernière, selon les données de Kpler.

Couper dans sa production

Cela peut sembler paradoxal, mais la Russie pourrait aussi décider de produire moins de pétrole, et ce n’est pas contradictoire avec le point précédent : cela ferait augmenter le prix de son brut, au grand bénéfice des coffres du pays. Dimanche dernier, le vice-président de la compagnie pétrolière russe Lukoil, Leonid Fedun, a déclaré que le pays devrait réduire sa production de pétrole jusqu’à 30% pour faire grimper les prix et éviter de vendre des barils au rabais.

« Des responsables à Washington ont exprimé leur inquiétude quant à la possibilité que Moscou puisse mettre fin à une liquidation ordonnée de fin d’année en réduisant les exportations pendant l’été afin d’infliger une douleur économique maximale à l’Europe et de tester la détermination collective des États membres à défendre l’Ukraine », note encore Croft. Sur ce point toutefois, tout dépend de l’OPEP+, l’association des pays producteurs de pétrole dont fait partie la Russie. Face à la probable baisse de production russe, le cartel a annoncé ce jeudi qu’il allait augmenter sa production dès le mois de juillet.

La stratégie de la « contrebande »

CNBC remarque que, depuis le début de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, 180 navires sont passés de la propriété d’entités russes à celle d’entités non russes, selon la société d’intelligence artificielle maritime Windward. Difficile d’y voir un hasard : comme on le suspectait déjà, la Russie compte bien écouler une partie de son stock sous le manteau, jouant avec les pavillons et les actes de propriété des navires pour qu’une partie au moins de son stock de brut soit absorbée par le marché international.

Selon Windward, ces changements enregistrés en seulement trois mois représentent déjà plus de la moitié des changements de propriété des navires russes pour toute l’année 2021. De nombreux navires russes ont été vendus à des entreprises basées principalement à Singapour, en Turquie, aux Émirats arabes unis et en Norvège.

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