Chute du pétrole: pourquoi et avec quelles conséquences?

Du jamais vu. Le baril de pétrole West Texas Intermediate (WTI), côté à New York, a atteint les -37,63 dollars lundi soir à la clôture. Si les prix ont depuis repris des couleurs, cette situation pose beaucoup de questions.

1. Pourquoi?

Le prix du baril de 159 litres de pétrole brut côté à New York a donc clôturé la séance historique à -37,63 dollars. Les causes macro-économiques sont connues. La demande est au plus bas suite à la crise sanitaire et aux mesures de confinement un peu partout dans le monde. Mais la production américaine de pétrole, boostée par l’exploitation du gaz de schiste, inonde le marché. Le baril de pétrole canadien a d’ailleurs lui aussi connu la même mésaventure quelques heures plus tôt.

Depuis 2018, les États-Unis sont devenus le premier producteur mondial de pétrole. Soit un concurrent très gênant pour des pays comme la Russie et l’Arabie saoudite. Deux pays qui ont rompu leur alliance pour se livrer une guerre des prix en augmentant leur production afin de remporter des parts de marché. Conséquence: le prix du baril de Brent (Mer du Nord), la référence mondiale, est passé en dessous des 30 dollars. Les deux grands producteurs ont finalement trouvé un accord pour produire à un niveau, et donc à un prix, acceptable pour eux. Mais pas pour les Américains.

Si on a assisté à une telle panique, jamais vue depuis la création de contrats en 1983, c’est justement à cause de ces derniers. Les négociations des contrats du mois de mai se terminaient ce mardi. Les vendeurs cherchaient à tout prix des acheteurs. ‘Des acheteurs’ qui manquaient de place pour stocker lesdits barils (précisions ci-dessous). Car les raffineries ont tout simplement fait le plein de pétrole. Les réserves étaient donc pleines.

Or stocker coûte de l’argent, jusqu’à un tiers du nombre de barils stockés. Mais arrêter la production en coûte encore bien davantage. Conséquence: les producteurs étaient prêts à payer les grossistes pour qu’ils stockent des barils. L’État américain s’est d’ailleurs substitué aux grossistes, Donald Trump annonçant l’achat de 75 millions de barils pour la réserve stratégique américaine. Une soupape en quelque sorte.

2. Parti pour durer?

Tout dépend de la longueur de la crise. Et donc de l’épidémie du coronavirus. Des prix négatifs pourraient de nouveau surgir à la fin des négociations de contrats de juin. Sur le long terme, les marchés planchent sur une reprise de la demande habituelle pour la fin de l’année. Certains pensent que c’est une perspective trop optimiste. On sait quand on entre dans une crise, on ne sait pas quand on en sort.

Et puis, ce trop-plein d’offre a des conséquences sur l’ensemble du marché du pétrole, pas uniquement le baril WTI. Les producteurs américains vont venir inonder le marché, pour écouler leur production, ce qui va fatalement faire baisser les prix ailleurs.

Mais il ne faut pas perdre de vue que cette chute des prix concerne d’abord les acheteurs, c’est-à-dire les traders. Ce qu’ils négocient, ce sont des contrats, donc des bouts de papier ou plutôt quelques lignes de code, avant d’être des barils physiques. Un thread de l’économiste Maxime Combès permet de relativiser ce qui s’est joué hier. Le baril de pétrole n’a pas perdu toute valeur.

3. Quid pour le consommateur à la pompe?

Le prix du mazout ou de l’essence à la pompe poursuivra sa tendance à la baisse. Le souci, c’est que le consommateur n’est pas vraiment demandeur pour l’instant, à moins qu’il puisse constituer ses propres stocks.

Mais de toute façon, ne vous attendez pas à voir des prix négatifs ou à être payé pour acheter de l’essence, car les États mettent en place des taxes. Le prix du baril ne représente d’ailleurs jamais la majorité du coût de l’essence à la pompe. En Belgique, un système de cliquet existe à la baisse ou à la hausse pour maintenir les prix à un certain niveau. Sous forme d’accises, l’État voudra toujours récolter son dû.

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