Blocage du canal de Suez: le propriétaire de l’Ever Given lance les hostilités en vue d’éviter un naufrage financier

Risquant de devoir supporter le poids des demandes d’indemnisation des expéditeurs, les propriétaires de l’Ever Given ont décidé de se retourner contre l’exploitant du navire, Evergreen. Ils ont également déclaré une avarie commune. Explications.

Le porte-conteneurs Ever Given fait la une de l’actualité depuis le 23 mars dernier. Parti de Ningbo (Chine) à destination de Rotterdam (Pays-Bas), il a été confronté à des vents violents dans le canal de Suez. Il a pivoté, obstruant le passage et empêchant tous les autres navires de passer.

L’Ever Given a finalement été débloqué après six jours, non sans avoir considérablement ralenti le commerce international, grandement dépendant du canal. Selon Lloyd’s List, l’incident a empêché la circulation de marchandises d’une valeur de plus de 50 milliards de dollars. Café, pétrole, meubles (notamment IKEA) ou encore moutons figurent parmi les produits qui ont été touchés par les embouteillages monstres.

L’Egypte, notamment, estime qu’on lui doit 1 milliard de dollars de dédommagements pour les six jours d’arrêt et le coût de l’opération de renflouement. Elle n’a pas précisé à qui elle comptait les demander, mais le président de l’Autorité du canal de Suez, Osama Rabie, a déclaré que les intervenants égyptiens avaient ‘vraiment sauvé [l’armateur] en sauvant le navire sans dommages ni pertes majeurs.’ ‘Nous pourrions nous mettre d’accord sur une certaine compensation, sinon cela ira au tribunal’, a-t-il ajouté.

Action en justice

D’après The Lawyer, les propriétaires du porte-conteneurs Ever Given ont intenté une action en justice contre l’Evergreen Marine Corporation devant la Haute Cour du Royaume-Uni. Les détails de la plainte ne sont pas publics, mais Evergreen n’est pas le seul défendeur ciblé. ‘Toutes les autres personnes réclamant ou étant en droit de réclamer des dommages et intérêts’, sont également visées.

L’Ever Given, qui bat pavillon panaméen, est propriété de Luster Maritime, une société maritime japonaise appartenant au groupe (lui aussi japonais) Shoei Kisen Kaisha. Le navire est affrété par le transporteur taïwanais Evergreen Marine Corporation.

En tant que propriétaire du navire, Shoei Kisen Kaisha est censé supporter le poids des demandes d’indemnisations des expéditeurs et des intérêts maritimes. En poursuivant Evergreen, le groupe japonais tente de ne pas être le seul à devoir endosser la responsabilité de l’incident.

Evergreen estime qu’en tant qu’affréteur, son exposition au risque financier lié à l’incident est ‘très faible’, a déclaré le président Eric Hsieh aux journalistes taïwanais jeudi. ‘Même s’il y a des dommages, ils seront couverts par l’assurance. Evergreen est libre de toute responsabilité en cas de retard de la cargaison [selon les conditions de transport]’, a-t-il précisé, visiblement confiant.

Avarie commune

Bien que débloqué, l’Ever Given n’a pas pu reprendre sa route vers Rotterdam. Il est actuellement au mouillage dans la zone de Bitter Lakes pour y subir des inspections techniques. Une date possible de départ vers les ports de déchargement n’a pas encore été fixée. Cela pourrait prendre beaucoup de temps.

En effet, en plus de leur action en justice, les propriétaires de l’Ever Given ont déclaré une avarie commune. Cette procédure, utilisée en cas de catastrophe, indique que Shoei Kisen Kaisha imposera une caution aux intérêts de la cargaison avant de libérer les conteneurs du navire.

‘Les frais d’avarie commune sont généralement évalués en pourcentage de la valeur de la cargaison, et dans le cas de pertes massives […] les expéditeurs peuvent être invités à les payer ainsi que des cautions de sauvetage dépassant la moitié de la valeur de leurs cargaisons. Aucune cargaison n’a été endommagée dans le cadre de cet incident, mais les cautions peuvent être utilisées pour récupérer le coût de l’effort de renflouement’, indique le site spécialisé The Maritime Executive.

Les expéditeurs dont la cargaison n’est pas assurée risquent donc de ne jamais récupérer leurs marchandises, car le propriétaire peut les conserver en vertu d’un privilège jusqu’au paiement de la caution, analyse The Loadstar. Quant aux expéditeurs dont les marchandises sont assurées, ils risquent de devoir longtemps patienter avant de pouvoir les récupérer. Il faudra attendre que les coûts du sinistre pour les propriétaires soient évalués, ce qui permettra aux experts de déterminer le niveau des garanties d’avarie commune et de sauvetage.

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