2022 est une année terrible pour le blé et le tournesol, mais 2023 s’annonce déjà tout aussi problématique: il y aura moins de semences

La guerre en Ukraine impacte déjà le marché du blé et du tournesol de 2023. Les importations de semences, pour la prochaine production, sont difficiles, et la récolte actuelle est décimée par la guerre. En France, premier exportateur mondial de semences, les prix attractifs du marché des semences ont poussé les producteurs à la vente, ce qui causera des troubles sur le marché l’année prochaine.

Avec la guerre en Ukraine, le boycott de la Russie, les sécheresses, la chaleur et puis l’interdiction d’exportation qui a cours en Inde, sans oublier une autre sécheresse suivie de pluies trop fortes aux États-Unis, l’approvisionnement en denrées alimentaires, principalement en céréales, est mis à rude épreuve. Les récoltes (ayant lieu à différents moments de l’année, selon les zones géographiques) sont mauvaises, et il y a moins de produits disponibles sur le marché mondial. Voilà pour l’année 2022.

Pour 2023 et 2024, un autre souci pour l’approvisionnement mondial en denrées alimentaires se profile déjà à l’horizon : il y aura moins de semences, ce qui aura un impact sur les prochaines récoltes.

Ukraine

La production de semences est un procédé assez simple : la plante produit des graines, qui sont utilisées pour produire de l’huile (de tournesol, de colza, etc.), de la farine (de blé, d’épeautre, etc.) ou d’autres produits en aval. Mais ces graines peuvent aussi être plantées pour produire une nouvelle plante. Il y a des « agriculteurs multiplicateurs » qui consacrent une partie de leur récolte à la production de telles graines à replanter. Ils travaillent notamment avec des entreprises semencières qui vendent ces graines à d’autres cultivateurs.

La France est le plus important exportateur mondial de semences. En 2020, le pays en a produit sur 120.000 hectares, devant l’Allemagne et l’Espagne avec 115.000 pour chacun de ces pays. Quant à l’Ukraine, grenier à blé de l’Europe et pays du tournesol, elle en a produit sur 70.000 hectares, rappellent Didier Nury et Rachel Blumel, respectivement vice-président et directrice générale de l’Union française des semenciers (UFS), cités par BFM Business.

L’Ukraine est cependant une grande importatrice de semences, notamment depuis la France. Or, avec la guerre, les livraisons se font plus difficiles, ce qui aura un impact sur la production de l’année prochaine. La guerre complique également les récoltes de cette année, champs et matériel agricole ayant été détruits, tandis que les fermiers ont manqué de carburant. La perte de semences est estimée à 40, voire 50%. Et les agriculteurs et entreprises semencières d’Ukraine ne pourront pas non plus compter sur leur production maison pour avoir des graines à planter pour la récolte de 2023.

L’Ukraine est une grande productrice de blé et de tournesol : une baisse de sa production a un impact sur le marché mondial, comme tous ses clients vont chercher à se fournir ailleurs. Les prix des denrées alimentaires risquent ainsi de rester élevés en 2023 également.

Prix des aliments élevés

L’Ukraine n’est cependant pas le seul élément dans le problème des semences. Comme les prix des aliments sont élevés cette année, les agriculteurs français en ont profité pour revendre une plus grande partie de leurs graines aux producteurs de farines, d’huiles, etc.

« En temps normal, le tournesol-semence, par exemple, est mieux payé que celui destiné à la fabrication d’huile, ce qui encourage les agriculteurs multiplicateurs. On ambitionnait cette année d’augmenter la production française de semences de tournesol, mais on n’a semé que 15.000 hectares, en baisse d’environ 10% par rapport à 2021. La disponibilité en semences pour 2023 sera donc amputée d’autant », expliquent les deux représentants. Rappelons que le tournesol est planté en avril (plus d’un mois après l’invasion) et récolté fin août.

Pour le blé français, le problème des semences ne se posera que plus tard. Le blé est planté en hiver et récolté en juillet. Comme le blé a été planté avant l’invasion, la production de 2021-22 n’a pas été tant impactée par la hausse des prix des produits alimentaires, pour l’instant. Il reste alors à voir quelle quantité de graines sera vendue aux fabricants de produits dérivés, et quelle proportion sera gardée pour être replantée.

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