La Banque Nationale de Belgique (BNB) a donné un avis négatif sur le projet de loi de Vooruit visant à lier les taux d’intérêt des comptes d’épargne à la rémunération que les banques reçoivent de la Banque centrale européenne (BCE). L’institution monétaire prévient que cela pourrait mettre en péril la stabilité financière des banques.
La Banque Nationale dit non à l’augmentation obligatoire des taux d’épargne

Pourquoi est-ce important ?
Depuis que le taux d'intérêt sur les dépôts - la rémunération que les banques reçoivent sur l'argent qu'elles placent à la banque centrale - est passé de -0,5% à 3,25%, certains partis de la Vivaldi, dont Vooruit, demandent d'obliger les banques à augmenter les taux d'épargne, jugés trop bas.Petit rappel : Vooruit avait déposé un projet de loi à la fin du mois dernier pour lier les taux d’épargne à la rémunération que les banques perçoivent sur le capital qu’elles déposent auprès de la BCE. Ce taux de dépôt est actuellement de 3,25%, contre -0,5% l’année dernière.
- « Les hausses de taux d’intérêt par la BCE peuvent augmenter considérablement les profits des banques. Certaines font jusqu’à quatre fois plus de bénéfices que l’année dernière », a notamment déclaré Melissa Depraetere, députée de Vooruit, lors d’une interview avec Business AM. « Elles gagnent de l’argent en plaçant les dépôts de leurs épargnants auprès de la banque centrale. Seules les banques ne laissent pas les épargnants profiter des bénéfices supplémentaires qu’elles réalisent. »
La nouvelle : Vincent Van Peteghem (CD&V), ministre des Finances, a demandé conseil à la BNB à ce sujet. Celle-ci lui répond maintenant que ce n’est pas une bonne idée d’obliger les banques à revoir leurs taux d’épargne à la hausse.
- « Les comptes d’épargne sont une source importante de financement des prêts pour les ménages et les entreprises belges« , souligne la BNB. « Maintenir le caractère stable de ces dépôts est donc important tant pour l’intermédiation financière en Belgique que pour la stabilité du système financier belge. »
- Voilà donc pourquoi, selon la BNB, c’est une mauvaise idée que le gouvernement intervienne. Cela risquerait de générer d’importants effets secondaires indésirables et constituer une menace réelle pour la stabilité de notre secteur bancaire, fragilisant la stabilité financière. Les prêts sont principalement assurés par les banques, qui convertissent les dépôts de leurs clients en crédits. Ce modèle de revenus comporte certains risques, tels que les défauts de paiement. Pour s’en prémunir, il est important que les banques s’assurent d’une stabilité financière suffisante.
- La Banque nationale illustre par un exemple l’ampleur de l’impact d’une augmentation (obligatoire) des taux d’intérêt sur les coûts des banques : une hausse de 1,5 % sur les comptes d’épargne réglementés représente une augmentation de 4,5 milliards d’euros des intérêts à payer sur l’encours de 300 milliards d’euros.
- « Ce surcoût de 4,5 milliards d’euros est supporté par les banques qui proposent des comptes d’épargne réglementés à leur clientèle de détail et pèse donc proportionnellement plus lourd sur les banques concentrées sur les services financiers aux ménages », prévient la BNB. « Ce surcoût correspond à 60% du bénéfice net du secteur bancaire belge en 2022 (7,6 milliards d’euros). »
À noter : dans notre pays, les banques sont dans tous les cas obligées de proposer un taux d’au moins 0,11% sur les comptes d’épargne réglementés.
- La BNB note qu’un taux d’intérêt minimum fixé par la loi est tout à fait unique dans la zone euro. Il n’y a qu’en France qu’il existe quelque chose de similaire avec le Livret A. « Cependant, ces comptes d’épargne réglementés en France présentent un certain nombre de différences importantes avec les comptes d’épargne réglementés belges. Par exemple, les intérêts sont payés par l’État français sur la partie de ces comptes d’épargne (65%) qui est reprise par la Caisse des dépôts et consignations », précise l’institution monétaire dans son avis.
Besoin de concurrence
Les détails : Dans le même temps, la BNB réitère le message que le gouverneur Pierre Wunsch nous a partagé en début d’année : les taux d’épargne devraient, à terme, se rapprocher du taux de la BCE .
- Selon la Banque nationale, c’est nécessaire pour préserver la stabilité des dépôts en tant que source de financement du secteur bancaire belge. Dans le cas contraire, les banques courent le risque qu’une partie de cette source stable de financement, et en fin de compte aussi pour les prêts aux ménages et aux entreprises belges, s’écoule vers d’autres investissements.
- « Si une telle tendance vers une rémunération plus élevée, mais basée sur le marché, du compte d’épargne ne se produit pas à long terme, cela indiquerait un problème structurel de concurrence », ajoute-t-elle.
Réponse politique
Comment réagissent les partis gouvernementaux ? Il n’est pas clair du tout si la question a été réglée ou non au sein de Vivaldi.
- Pour le CD&V, qui a toujours plaidé pour la prudence via Van Peteghem, l’avis de la BNB est une victoire, ou en tout cas un argument supplémentaire pour ne pas intervenir. Il en va de même pour les libéraux, qui hésitaient également à imposer quelque chose au secteur.
- Mais d’un autre côté, certains continuent de pousser. En entrant en réunion ce matin, le vice-premier ministre de Vooruit, Frank Vandenbroucke, a une nouvelle fois montré sa combativité : il veut une obligation légale. « Eh bien, avec qui Pierre Wunsch (le gouverneur de la Banque Nationale, NDLR) a-t-il dîné, après avoir rédigé cet avis ? Précisément avec Febelfin, le lobby bancaire », précise une source socialiste de haut niveau. Les socialistes ne vont « en aucun cas laisser tomber le dossier ». Conseil de la BNB ou pas.