Dans une interview accordée au journal économique français Les Echos, Jean-Christophe Caffet, économiste en chef de l’assureur-crédit Coface, affirme que « les risques sociaux et politiques dans le monde n’ont jamais été aussi importants qu’aujourd’hui ». Le baromètre Coface, qui mesure les risques d’instabilité sociale et politique, est encore plus élevé qu’en 2011.
La menace d’un conflit social est perceptible dans toute une série d’économies émergentes. Certains pays, comme le Maroc, la Tunisie et la Thaïlande, qui dépendent fortement du tourisme et importent la majeure partie de leur énergie, semblent particulièrement vulnérables. Il en va de même pour des pays comme le Bangladesh, la Roumanie et la Turquie.
Dans ces pays, et notamment dans les plus pauvres, le revenu par habitant n’évolue plus dans le sens de celui des pays développés. Les tensions y sont également plus fortes. Parce que les dépenses alimentaires et énergétiques ont un poids plus important dans les dépenses des ménages.
L’Europe ne fait pas exception
Mais ceux qui pensent que l’Europe est une exception se trompent. M. Caffet s’explique. « La fatigue de la crise du Covid, causée par des mesures sanitaires sans fin, le sentiment de déclin de la classe moyenne, qui a vu son revenu réel stagner au cours des 30 dernières années, la hausse de l’inflation et l’augmentation des inégalités forment une combinaison dangereuse. »
La Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la France et le Royaume-Uni, notamment, sont confrontés à des troubles sociaux croissants. Tout comme les États-Unis et le Japon, d’ailleurs.
Quels sont donc les pays émergents particulièrement vulnérables sur le plan économique à l’heure actuelle ? « Tous les pays qui ont un déficit important de leur balance courante et qui, en même temps, importent beaucoup d’énergie. D’autant plus que la hausse des taux d’intérêt par la Réserve fédérale américaine aura un fort impact sur les flux de capitaux internationaux. Comme c’est le cas chaque fois que les États-Unis resserrent leur politique monétaire », expose M. Caffet.
Et la Chine ?
Toujours selon M. Caffet, le risque chinois est « très difficile à évaluer » en raison du manque de transparence des statistiques. « Ce que nous savons avec certitude, c’est que si la croissance chinoise ralentit fortement, les conséquences pour l’économie mondiale seront importantes. La Chine n’est plus l’usine du monde, mais est toujours une composante très forte de la demande mondiale. »
FMI: les troubles sociaux atteignent leur paroxysme deux ans après la pandémie
Enfin, M. Caffet note que les troubles sociaux atteignent généralement leur apogée plus d’un an après l’éclatement des crises. Les pandémies exposent et accentuent les inégalités déjà existantes. Ebola, selon une étude, a augmenté de 40% la violence civile en Afrique de l’Ouest au cours de la période 2013-2016.
Une déclaration confirmée dans une étude du Fonds monétaire international. Elle mentionne une « augmentation significative des troubles sociaux » après une pandémie. Avec un pic des protestations en moyenne deux ans après la fin de la crise sanitaire. Pour arriver à une telle conclusion, le FMI a cartographié l’impact de cinq pandémies dans 133 pays depuis 2001, dont Ebola, le SRAS et Zika.
On peut en conclure que toutes ces crises sanitaires ont conduit à une augmentation significative de l’agitation sociale. « Au fur et à mesure que la pandémie se résorbe, on peut s’attendre à ce que les troubles réapparaissent dans des endroits où ils existaient auparavant », écrivent les chercheurs. L’agitation sociale semble atteindre son apogée deux ans après la fin de la pandémie.