‘Sexe, drogue et rock’n’roll’, au temps du coronavirus: la demande est si élevée que l’offre ne suit plus

‘Sex & Drugs & Rock & Roll’ est une chanson signée Ian Dury qui a fait fureur à la fin des années 1970. Les paroles de la chanson ont souvent été mal interprétées, ce qui fait que la BBC l’a même interdite. Mais le slogan lui-même n’a pas été inventé par Dury. Il est apparu pour la première fois en 1969 dans le magazine LIFE et fait référence à une série de priorités qui ont un attrait universel. Le fait que cet appel soit irrésistible est confirmé en pleine crise du coronavirus.

Sexe

Les ventes de préservatifs battent tous les records. Ritex, le plus grand fabricant allemand de produits prophylactiques, rapporte un doublement des ventes par rapport à l’année précédente.

Une tendance similaire est observée dans d’autres pays. La chaîne de lingerie britannique Ann Summers a vu ses ventes de sex toys augmenter de plus d’un quart au cours du premier trimestre comparé à la même période un an plus tôt, avec en tête des ventes le Whisper Rabbit, le vibromasseur le moins bruyant de sa gamme. ‘Alors que tout le monde reste à la maison, le bruit est un facteur dont nous devons tenir compte’, explique l’entreprise.

Dildo King, un grossiste d’accessoires intimes basé à Berlin, a enregistré une augmentation de 87% de ses ventes depuis l’annonce du lockdown, des hausses de 800% accompagnant même certains produits. Son concurrent Eis rapporte, lui, une multiplication par trente des ventes de déguisements d’infirmière.

Mais des problèmes dans les chaînes d’approvisionnement apparaissent. De nombreuses usines qui produisent des préservatifs ont été contraintes de fermer temporairement leurs portes. Et les fournisseurs d’autres produits éprouvent également des difficultés à honorer leurs commandes. Personne n’était préparé pour faire face à une telle augmentation de la demande.

Drogues

Les cartels de la drogue sont également inquiets. Selon un récent rapport des Nations unies, le lockdown mondial les a durement touchés. Le transport de la drogue est devenu plus complexe, l’activité dans la plupart des ports a été réduite au strict minimum et les contrôles de police ont été intensifiés.

Cependant, les cartels sont parvenus à anticiper quelque peu la crise du coronavirus. Juste avant l’entrée en vigueur du lockdown, ils ont fortement augmenté leurs cargaisons. Mais la baisse de l’activité dans les ports et le renforcement des contrôles policiers qui a suivi ont entraîné une augmentation des saisies.

Au cours des trois premiers mois de cette année, l’ONUDC (Office des Nations unies contre la drogue et le crime) a aidé à la saisie de 17,5 tonnes de cocaïne en Europe, en provenance d’Amérique du Sud.

À Rotterdam, 6,6 tonnes de cocaïne ont été saisies au cours du premier trimestre, ce qui représente une hausse de 50% par rapport à l’an dernier.

À Anvers, 4 tonnes de cocaïne ont été interceptées, rien que le mois dernier. De la drogue a notamment été retrouvée dans un conteneur à poisson.

En mars, la police a pu intercepter une cargaison de cocaïne dans le port péruvien d’El Callao. Elle était dissimulée sous des masques chirurgicaux et destinée à la Chine.

15 à 20% de toutes les drogues sont interceptées

Les mesures de confinement qui ont également été introduites en Amérique du Sud ont considérablement réduit le nombre d’envois de drogue. Selon l’ONUDC, cela a permis de réduire le nombre des saisies. Alors que les routes sont fermées, que les ports fonctionnent à un dixième de leurs capacités et que les patrouilles de police sont partout, il devient difficile pour les cartels d’opérer leurs affaires. Les barons de la drogue savent que 15 à 20% de toutes les cargaisons sont finalement interceptées. Mais aujourd’hui, il y a moins d’envois et plus de saisies.

Cela entraîne évidemment une hausse des prix. Si un kilo de cocaïne coûtait encore 25.000 euros l’année dernière, il faut désormais en débourser 32.000. Un scénario de rêve pour les revendeurs, qui peuvent à peine répondre à la demande sous l’impulsion des lockdowns.

Et les augmentations de prix ne s’appliquent pas uniquement à la cocaïne, mais à toutes sortes de drogues. ‘Les gens paniquent, et pas seulement à cause du papier toilette’, explique une femme qui vend du cannabis à Berlin. Elle en écoule un demi-kilo par jour… Contre 100 grammes quotidiennement avant la crise du coronavirus. Les prix sont également en hausse. Si les clients payaient normalement 10 euros par gramme, les revendeurs facturent désormais deux à trois fois ce montant.

Cependant, les revendeurs voient déjà le vent tourner. L’approvisionnement en provenance d’Espagne a complètement cessé, selon la même femme. Mais la nature illégale du commerce de la drogue implique que les trafiquants doivent toujours faire preuve d’inventivité lorsque certaines routes se retrouvent fermées…

Rock & Roll

Enfin, il y a les plateformes de streaming musical.  Des entreprises comme Spotify, YouTube, mais aussi Apple Music ou Pandora ont le vent en poupe. Au cours du premier trimestre, le service de streaming Spotify est parvenu à attirer plus d’utilisateurs que jamais. Les chiffres des trois premiers mois de l’année montrent également que le nombre d’abonnés payants au service musical est en hausse. Les utilisateurs ont moins souvent écouté de la musique au volant de leur voiture, mais plus lorsqu’ils s’acquittaient des tâches ménagères ou pour se détendre.

Même constat du côté des concurrents américains Apple Music et Pandora. Bien entendu, il n’y a ici pas de problèmes d’approvisionnement, comme c’est le cas pour les deux secteurs mentionnés plus haut, au contraire même. L’offre est désormais si importante que Spotify souhaite à présent inciter les artistes à payer pour de la publicité afin de se distinguer par rapport à la concurrence.

L’attrait du slogan ‘Sexe, drogue et rock’n’roll’ reste donc irrésistible. Et c’est tout aussi vrai en cette période de crise du coronavirus. Ces trois secteurs de l’économie se portent donc très bien, même s’ils ne se réjouissent pas forcément de la situation.

‘Je ne saute pas de joie’, déclare Raiko Spörck, directeur général de Dildo King, dans le Financial Times. ‘Les gens meurent et personne n’est heureux.’

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