L’Union européenne s’attaque aux bénéfices des grands groupes pharmaceutiques : ces derniers menacent de plier bagage

L’Europe veut stimuler la concurrence pharmaceutique, pour baisser les prix grâce aux génériques. Dans le monde industriel, c’est la levée de boucliers. Et de brandir la peur d’un grand retard de l’Europe dans l’accès à de nouveaux médicaments.

Pourquoi est-ce important ?

L'accès de la population aux médicaments est un enjeu majeur, encore mis en avant par la crise du coronavirus dans un premier temps, puis par la période économique difficile que nous traversons, alors que de nombreux foyers luttent pour nouer les deux bouts et rognent sur leur consommation.

Le contexte : la Commission européenne a publié ce mercredi une révision des règles pharmaceutiques de l’UE, dans laquelle elle prévoit de réduire de facto les bénéfices des grands groupes pharmaceutiques.

Privilégier le patient, aux dépens des entreprises ?

  • Le texte prévoit de réduire de deux ans la période d’exclusivité du marché pour les nouveaux médicaments. Celle-ci passerait donc de dix à huit ans.
  • Cela signifie que les nouveaux médicaments mis sur le marché par les grands groupes pharmaceutiques subiraient la concurrence des génériques deux ans plus tôt qu’actuellement.
  • La Commission prévoit aussi de dresser d’ici la fin de l’année une liste de médicaments essentiels, qui pourra ensuite servir de base à une obligation de constituer des stocks.
  • Pour l’UE, c’est là une manière d’améliorer l’accès aux médicaments en forçant une baisse des prix par une concurrence accrue. Mais pour le secteur, c’est un pas dans la mauvaise direction.

Une Europe à la traîne

La réaction : les entreprises du secteur affirment que celui-ci est déjà en difficulté, et qu’elles devront donc prendre, elles aussi, des mesures drastiques.

  • Les directeurs généraux de Novo Nordisk et d’Eli Lilly, ont déclaré que les nouvelles règles encourageraient les entreprises pharmaceutiques à quitter l’Union et à s’installer ailleurs. Avec des conséquences sur l’emploi, mais aussi sur l’accès aux médicaments de pointe.
  • L’Europe, en effet, risque bien de se retrouver à la traîne : ce sont les États-Unis qui sont depuis longtemps à la pointe de la recherche médicale, mais la Chine avance à pas de géant pour rafler la seconde place.
  • « Je crains que nous ne passions lentement mais sûrement du statut de leader à celui de client de l’innovation » confirme Susana Solís Pérez, citée par Politico, qui a travaillé pour la société pharmaceutique Johnson & Johnson et qui est maintenant eurodéputée.
  • Selon la Fédération européenne des industries pharmaceutiques, principal lobby du secteur à Bruxelles, l’écart d’investissement entre l’UE et les USA se chiffrait à 2 milliards d’euros en 2002, et serait de 25 milliards aujourd’hui. Il pourrait atteindre les 90 milliards d’ici à 2030 si les tendances actuelles se poursuivent.

À nuancer : un constat qui doit toutefois être observé en gardant en compte d’autres facteurs, car l’économie pharmaceutique américaine est très différente.

  • Les médicaments peuvent coûter beaucoup plus cher aux USA pour les particuliers ; les marges permettent à l’industrie d’investir plus, et plus souvent. Il est d’ailleurs significatif que les entreprises américaines préfèrent généralement développer des médicaments liés à des traitements de longue durée, forcément plus rentables. Au risque d’entretenir le manque de nouveaux antibiotiques, par exemple.
  • En outre, les USA restent le territoire des investisseurs en capital-risque font de gros paris sur de nouvelles entreprises à haut risque. Les sources d’argent ne manquent donc pas, à condition de mettre les gains en avant sur les bénéfices pour les patients.
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