Le yen japonais s’affaiblit par rapport au dollar en raison de la politique monétaire ultra-souple de la Banque du Japon. Cela pourrait conduire à un marché japonais très concurrentiel et même, à long terme, à une dévaluation du yuan chinois.
La Banque du Japon (BOJ) a proposé lundi matin d’acheter un montant illimité d’obligations d’État japonaises à 10 ans à 0,25 %. Le taux d’intérêt sur ces obligations a récemment atteint le niveau le plus élevé de ces six dernières années, soit 0,245 %.
La décision de la banque centrale d’empêcher les rendements des obligations d’État de dépasser son objectif principal a eu un impact considérable sur la valeur du yen japonais, dont le cours est tombé lundi à son point le plus bas en six ans. Le dollar s’est considérablement renforcé par rapport au yen ; à l’heure où nous écrivons ces lignes, un dollar vaut environ 123 yens.
Situation perdante
Le mois dernier, le niveau du taux d’intérêt des obligations d’État japonaises à 10 ans était déjà supérieur à 0,23 %, ce qui a incité le président de la BOJ, Haruhiko Kuroda, à entrer sur le marché et à freiner la progression des rendements. Cela a provoqué une flambée du yen pendant un certain temps en février.
La banque centrale du Japon est maintenant prise dans un dilemme compliqué où l’un ou l’autre choix pourrait s’avérer négatif.
Soit elle intervient sur le marché obligataire, ce qui pourrait déclencher une chute incontrôlée de la valeur du yen et une hausse de l’inflation. À long terme, cela pourrait complètement saper la confiance dans la BOJ. Soit la banque centrale ne fait rien et tente de limiter la chute du yen, en risquant des rendements trop élevés sur le marché obligataire, ce qui n’est certainement pas une bonne idée dans un pays où la dette nationale dépasse largement le PIB.
Faucons et colombes
La divergence des politiques monétaires entre les États-Unis et le Japon est remarquable et constitue un moteur essentiel de l’interaction qui se produit actuellement entre le dollar et le yen.
« Contrairement à la Fed qui est belliciste, la BOJ donne l’impression de rester plutôt dovish [NDLR : « pacifiste »]. Cela entraîne une hausse du dollar et du yen », a déclaré Shinichiro Kadota, stratège des devises chez Barclays, au journal boursier japonais Nikkei Asia. Lorsqu’une banque centrale est dovish, cela signifie qu’elle préfère la croissance économique et l’emploi au resserrement des taux d’intérêt. La banque centrale américaine est plutôt belliciste et souhaite augmenter les taux d’intérêt.
Si les différences entre les politiques de la BOJ et de la Fed s’accentuent, la pression sur le yen s’en trouvera sans aucun doute renforcée. En ne contrôlant pas le taux de change du yen, la BOJ invite à une hausse de l’inflation, qui obligera tôt ou tard l’institution à rompre avec sa politique souple. Dans ce cas, elle pourrait perdre le contrôle du yen et des obligations d’État.
« Voilà ce qui arrive quand la planche à billets va trop loin »
Le profond plongeon du yen alimente les craintes des investisseurs de voir se reproduire les événements qui ont conduit à la dévaluation du yuan chinois en 2015. À l’époque, ce fut un tremblement de terre pour le marché monétaire.
En 2015, la Banque populaire de Chine (PBOC) a surpris les marchés internationaux avec trois dévaluations consécutives du yuan, faisant perdre à la monnaie 3 % de sa valeur. Depuis 2005, la monnaie chinoise s’est appréciée de 33 % par rapport au dollar américain. Cette décision de la banque centrale chinoise était particulièrement inattendue et, selon de nombreux analystes, il s’agissait d’une tentative désespérée de la Chine pour stimuler ses exportations afin de soutenir une économie à la croissance explosive.
Ainsi, maintenant que le Japon affaiblit le yen pour sauver sa propre économie, l’économie chinoise va souffrir et cela pourrait obliger la PBOC à dévaluer à nouveau le yuan, actuellement très fort. L’affaiblissement du yen japonais est également une mauvaise nouvelle pour les marchés émergents de la Corée du Sud.
« Je pense que cette évolution du yen est une question importante. C’est ce qui arrive quand l’impression monétaire va trop loin. […] Cela pourrait rendre le Japon très compétitif très rapidement », a écrit le journaliste de CNBC Larry McDonald dans son bulletin d’information « Bear Traps Report ».