« Pour ne pas retarder la transition, il faut acheter chinois » : le patron de RWE s’inquiète de la défiance grandissante à l’égard de Pékin

Le patron de RWE, l’un des acteurs majeurs du renouvelable en Europe et aux États-Unis, s’inquiète de la lenteur du développement de la production locale en matière de fournitures nécessaires à la transition. Selon lui, si les autorités ne créent pas des conditions plus optimales, autant continuer de faire confiance à la Chine.

Pourquoi est-ce important ?

Engagés depuis plusieurs années dans une transition énergétique en grande partie basée sur le renouvelable, Européens et Américains dépendent encore fortement des fournitures chinoises. Alors qu'ils tentent de s'en défaire, le patron d'un des géants du secteur monte au créneau.

Dans l’actu : pour le patron de RWE, on ne peut pas mettre trop vite la Chine de côté.

  • Cette semaine, Markus Krebber a appelé les autorités européennes et américaines à se hâter : elles doivent déployer les grands moyens pour réussir à ramener sur leur sol la production des fournitures nécessaires à la transition énergétique.
  • Et si elles n’y parviennent pas, elles doivent faire fi de leur méfiance grandissante à l’égard de la Chine. La transition doit prendre le dessus, estime-t-il.

Le détail : une loi sur le travail forcé en Chine trop encombrante ?

  • En 2021, l’administration Biden promulguait une loi sur la prévention du travail forcé en Chine. A l’époque, les lobbys de l’industrie avaient prévenu que cela pourrait embêter pas mal d’entreprises occidentales opérant là-bas, tant il y aurait de difficultés à mener des audits sur les chaînes d’approvisionnement.
  • À présent, le patron de RWE confirme que les craintes étaient fondées, en tout cas en ce qui concerne l’approvisionnement en modules photovoltaïques. Ceux-ci continuent d’être massivement importés d’Asie et soumis à des contrôles approfondis lors de leur arrivée aux États-Unis. Cela provoque, selon Krebber, des « retards considérables dans les projets » solaires américains de RWE.

« Les restrictions imposées par l’État sur le commerce transfrontalier pourraient également entraver considérablement les projets de construction d’une infrastructure d’énergie verte. Nous voyons un risque élevé que ce soit le cas aux États-Unis. »

RWE, dans son dernier rapport annuel

Le dilemme : investir en masse… ou continuer d’acheter chinois.

  • Le fait qu’un acteur majeur du renouvelable tel que RWE dénonce publiquement l’un des effets négatifs de la législation visant à faire pression sur Pékin sur la question des Ouïghours est assez rare, note le Financial Times.
  • Pour ne pas heurter, RWE fait toutefois preuve de nuance. La compagnie allemande ne demande pas (en tout cas pas pour l’instant) à annuler la loi, ni même à l’alléger.
    • « Ces vérifications sont essentielles pour s’assurer que ce qui entre aux États-Unis ou sur n’importe quel rivage [est] fabriqué et provient de sources éthiques », a ainsi convenu Mark Noyes, responsable de la division « énergie propre » de RWE outre-atlantique.
  • La solution passe dès lors, selon RWE, par un renforcement de la chaîne d’approvisionnement américaine. À cet effet, l’entreprise a d’ailleurs salué la récente introduction de l’Inflation Reduction Act (IRA) qui constitue un bon pas en avant.

« L’Europe souffre plus d’un manque de clarté que d’un manque de subventions »

Prolongation du débat : c’est la même chose en Europe.

  • Si RWE visait surtout là la législation américaine, elle pense exactement la même chose pour ce qui est de l’Europe, où l’on tente également tant bien que mal de concilier délitement de la dépendance à la Chine et accélération de la transition énergétique.
  • Lors d’une conférence de presse tenue à Essen cette semaine, le patron de RWE a souligné que pour remplir les objectifs allemands – et plus globalement européens – en matière d’énergie éolienne, il allait falloir rapidement augmenter la cadence de la mise en place de nouvelles installations, rapporte WirtschaftsWoche.
  • Là aussi, il a invité les décideurs à mettre en place les incitants qui permettront de doper la production locale.
    • « Afin d’obtenir des nacelles, des turbines, des stations de conversion ou des câbles électriques dans les quantités requises, les chaînes d’approvisionnement européennes doivent être rapidement étendues », a-t-il déclaré.
  • Et si ces investissements n’arrivent pas ? « Soit nous retardons la transition énergétique, soit nous achetons – dans le cas des turbines éoliennes – des turbines chinoises », a signalé Krebber, dans des propos rapportés par Montel.
  • On notera enfin que le patron de RWE estime que le principal point faible des subventions européennes est qu’elles sont mal pensées – et pas forcément trop faibles.
    • « Si vous me demandez ce qu’il faut faire pour qu’un projet sur l’hydrogène soit financé en Europe, il faudrait que je fasse venir des experts. Je ne peux pas vous le dire. Avec la loi sur la réduction de l’inflation, je sais exactement ce qu’il en est », a-t-il exemplifié.
    • Reste à l’UE à fluidifier son appareil administratif pour s’aligner sur l’IRA… et ainsi peut-être réussir à s’affranchir de sa dépendance à la Chine.
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