Quelque 10.000 riches Chinois en ont assez de la politique zero-covid de leur gouvernement et veulent quitter le pays. S’ils le faisaient, ils emporteraient avec eux quelque 325 milliards de yuans (48 milliards d’euros). Mais le gouvernement de Xi Jinping les laissera-t-il simplement partir ?
Depuis la découverte du SRAS-CoV-2 en Chine à la fin de l’année 2019, le pays s’en tient obstinément à une politique zéro-covid. Dans chaque endroit où des traces du virus sont trouvées, le gouvernement met en place des mesures de confinement strictes pour arrêter sa propagation.
D’avril à juin 2022, par exemple, la métropole de Shanghai a été mise sous cloche. Les immeubles où des infections ont été découvertes ont même été fermés à clé de l’extérieur par les autorités, laissant les résidents piégés dans leurs maisons. En raison du confinement, certains citoyens ont même dû recourir au troc pour survivre. Tous les magasins ont été fermés et un grand nombre de coursiers alimentaires ont également dû être mis en quarantaine.
Cette dernière a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour de nombreux habitants de la ville, qui commencent maintenant à prendre des initiatives pour quitter le pays. « Vous pouvez imaginer qu’au début du confinement, j’étais presque affamé dans la ville la plus développée de Chine », rappelle à Bloomberg Harry Hu, un restaurateur de Shanghai. Il affirme que les mesures draconiennes l’ont déjà amené à vendre une grande partie de sa participation majoritaire dans des restaurants chics de la ville pour environ 20 millions de yuans (environ 3 millions d’euros). Puis Hu a engagé un avocat spécialisé dans l’immigration pour l’aider à partir.
Les riches Chinois prennent la fuite
Hu est loin d’être le seul millionnaire chinois à vouloir quitter le pays. Selon un rapport du cabinet de conseil en migration Henley & Partners, Hu fait partie des quelque 10.000 résidents fortunés qui souhaitent partir ailleurs. Ils apporteraient avec eux quelque 48 milliards d’euros de capitaux, ce qui aurait un impact important sur l’économie chinoise.
Cela fait de la Chine le deuxième pays au monde, après la Russie, où le potentiel d’exode des personnes riches est le plus important. En effet, depuis que le Kremlin a envahi l’Ukraine en février, quelque 15.000 Russes fortunés ont déjà fait part de leur intention de quitter le pays. Cela n’est pas approuvé par les dirigeants des deux pays. À Hong Kong également, la région administrative spéciale (RAS) qui est désormais presque entièrement sous la domination de la Chine, quelque 3.000 personnes, dont la valeur totale s’élève à 3 milliards d’euros, veulent s’échapper.
L’émigration n’est pas facile
Le fait que de nombreux riches Chinois souhaitent s’échapper n’est pas du goût du gouvernement du président Xi Jinping. Les autorités chinoises ont donc érigé de nombreuses barrières, précisément pour éviter un exode massif de personnes et d’argent.
En mai, par exemple, le département chinois de l’immigration a annoncé qu’il interdirait les voyages « non essentiels » à l’étranger et qu’il appliquerait cette décision de manière stricte. À l’époque, le gouvernement a affirmé que cette mesure était nécessaire pour empêcher la propagation du virus, mais de nombreux Chinois pensent qu’il s’agit simplement d’un moyen de maintenir les capitaux et les talents dans le pays.
Quoi qu’il en soit, cette politique semble fonctionner : il est extrêmement difficile pour les citoyens chinois de demander des documents de voyage. Seuls dix pour cent d’entre eux auraient même un passeport à l’heure actuelle, et les demandes sont refusées si elles ne concernent pas des voyages essentiels.
En outre, il est extrêmement difficile pour les citoyens chinois d’envoyer de l’argent à l’étranger. Ils ne sont autorisés à échanger que l’équivalent d’environ 50.000 euros en devises étrangères chaque année. D’autres moyens d’échanger de l’argent, comme l’utilisation de cryptomonnaies, ont également été restreints ces dernières années.
« Comment déménager au Canada »
Malgré toutes les barrières mises en place par l’État, les Chinois continuent de trouver des moyens de fuir le pays. En mars, par exemple, le nombre de recherches sur « comment déménager au Canada » sur WeChat, le réseau social le plus populaire en Chine, a augmenté de 3.000%. En mai, un terme populaire est même apparu pour désigner cette mentalité, la « philosophie de la course ».
Pour les Chinois aisés, il existe encore un certain nombre d’options. Nombre d’entre eux, par exemple, se tournent de plus en plus vers le voisin Singapour. Selon Jenga, une entreprise singapourienne qui fournit des services aux entreprises, le nombre de demandes d’ouverture d’un bureau dans le pays a doublé en un an. La plupart d’entre elles proviennent de riches Chinois qui veulent profiter d’un programme singapourien qui accorde la citoyenneté aux investisseurs s’ils injectent un minimum d’environ 1,8 million d’euros dans le pays.
Certains pays d’Europe pourraient également connaître bientôt un afflux de riches Chinois. Après tout, des pays comme l’Espagne, le Portugal, l’Irlande et Malte ont des programmes similaires à celui de Singapour. En fait, il est moins cher de s’installer en Europe : à Malte, une personne n’a besoin d’investir que 690.000 €, au Portugal 280.000 € et en Grèce 250.000 €.
(CP)