Qui l’aurait cru : en mars, le rouble russe était le plus grand gagnant dans le monde des devises. Cependant, le volume des échanges de cette monnaie est extrêmement faible, ce qui rend le cours facile à manipuler. Par conséquent, le taux de change actuel ne reflète pas la véritable valeur de la monnaie.
Au cours des deux semaines qui ont suivi l’invasion de l’Ukraine, le rouble russe a chuté de près de 40% par rapport à l’euro. Ce n’est certainement pas une surprise, car le commerce avec le pays a fortement diminué en raison de diverses sanctions. Depuis le 10 mars, cependant, la monnaie a rebondi rapidement pour retrouver son niveau d’avant-guerre.
Alors, toutes les mesures commerciales font-elles moins mal qu’on ne le pense ? Une partie du redressement des prix est certainement due au fait que le paquet de sanctions n’est pas étanche. Par exemple, il y a encore beaucoup de gaz naturel russe qui circule dans la zone euro. En outre, des économies majeures comme la Chine et l’Inde n’ont pas adhéré aux mesures occidentales. En outre, les prix de l’énergie ont fortement augmenté depuis le début de la guerre.
Réserves gelées
Globalement, cela signifie qu’une quantité considérable de devises étrangères continue d’affluer en Russie. Le pays a désespérément besoin de cet afflux, car les réserves de devises des banques en Europe et aux États-Unis ont été gelées. En conséquence, la Russie n’a pas accès à la moitié des quelque 600 milliards d’euros en devises étrangères détenus dans les banques étrangères. Toutefois, le département du Trésor américain autorise le pays à accéder aux systèmes de paiement internationaux pour le paiement des intérêts et le remboursement de la dette nationale. Plus tard ce mois-ci, cette échappatoire se fermera. Ce sera alors un défi majeur pour la Russie de respecter ses obligations financières en matière de dette nationale.
Des taux d’intérêt élevés comme appât
Sur le plan intérieur, la Russie a fait tout ce qu’elle pouvait pour soutenir le rouble. Le taux d’intérêt a plus que doublé pour atteindre 20%. Ce taux d’intérêt élevé est un leurre pour les Russes qui se demandent s’ils doivent échanger leur argent contre des euros, des dollars ou d’autres devises fortes. Toutes sortes de nouvelles règles ont été introduites pour les entreprises. Sur l’argent que les entreprises russes gagnent à l’étranger, 80% doivent être immédiatement convertis en roubles. Et il est interdit aux courtiers de vendre des titres détenus par des parties étrangères. De plus, Vladimir Poutine fait allusion au fait que les clients devront bientôt payer leur gaz naturel en roubles.
Ne vous laissez pas berner
L’ensemble des mesures russes a stimulé artificiellement la demande de roubles. Comme il n’y avait pratiquement pas d’offre de roubles et que la Russie elle-même n’avait guère besoin de devises étrangères, ces mesures ont suffi à porter la monnaie à son niveau actuel. Mais ne vous laissez pas berner : le taux actuel ne reflète pas la véritable valeur de la monnaie. Si les pays occidentaux introduisent de nouvelles sanctions – par exemple, en n’achetant plus de gaz naturel ou en excluant la Russie des paiements internationaux pour le paiement des intérêts et le remboursement de la dette publique – le château de cartes pourrait s’effondrer.
L’auteur Joost Derks est un spécialiste des devises chez iBanFirst. Cette chronique exprime son opinion personnelle et ne constitue pas un conseil professionnel (d’investissement).