« Sans le gaz russe, le marché européen de l’énergie s’effondrerait comme celui des finances en 2008 »

Si le gaz russe venait à ne plus être disponible, le marché européen du gaz s’effondrerait, analyse un expert du secteur. Les acteurs n’auraient plus les moyens de payer les acomptes, car les prix exploseraient à cause d’une énorme pénurie.

« L’Europe risque un Lehman Brothers de l’énergie », si la Russie coupait le gaz entonne Jean-François Cirelli, ancien président de Gaz de France, qui a également occupé de hauts postes auprès d’Engie et d’Uniper (et est l’actuel président de Blackrock en France, en Belgique et au Luxembourg), interviewé par le média économique français Les Echos.

La question « qu’est-ce qui se passerait si Poutine fermait le robinet » est une question qui revient régulièrement dans l’actualité. Cirelli se prête également à l’exercice, et voit une dislocation du marché gazier en Europe, à l’image de ce qui passé à Wall Street lors de l’annonce de la faillite de la banque Lehman Brothers, point de départ de la crise de 2008.

C’est que les marchés sont particulièrement tendus et volatiles, analyse le spécialiste. Le risque, réel, est que l’Europe manquera de gaz l’hiver prochain. Les réserves sont vides et ne devraient se remplir d’ici-là, car l’Europe a déjà annoncé réduire massivement les importations de gaz russe, principal fournisseur, jusqu’à la fin de l’année.

Cette peur pour la sécurité de l’approvisionnement alimente donc les prix, même si dans les faits, le gaz continue à couler vers l’ouest, et cela même en plus grand nombre qu’avant la guerre, ajoute l’expert (et le même constat est vrai pour le pétrole) ; une situation « absolument inouïe ». Les marchés se basent donc plus sur la peur que sur la réalité du terrain, en résumé.

Effondrement du marché?

Et si la peur qu’a le marché se confirmait? Si un embargo européen tombe, ou que Poutine coupe effectivement le robinet, le marché s’effondrerait, explique Cirelli, comme lors de la faillite de Lehman Brothers. « Les prix partiraient dans tous les sens, la liquidité s’effondrerait. On serait dans une situation de dislocation. Avec une différence de taille : il n’existe pas de Banque centrale européenne de l’énergie pour intervenir et éviter la catastrophe ».

La première conséquence d’une coupure serait bien sûr la pénurie de gaz. Les prix pour les sources de gaz restantes exploseraient donc, logiquement. Les fournisseurs n’auraient même plus les moyens d’acheter le gaz, notamment à cause des « appels de marge », une sorte d’acompte ou de garantie à payer sur les contrats de livraison (qui sont toujours au futur). Les prix sont tellement volatiles que 70% du prix sont demandés, au lieu de 10% demandés en général, explique l’expert. Les acheteurs constatent un manque de liquidités. En automne, Uniper, un fournisseur allemand, n’était pas en mesure de payer, et une banque publique a dû intervenir, sa rappelle Cirelli. Si un acteur n’était vraiment pas en mesure de payer, cela aurait un effet boule de neige sur tout le secteur.

Pour l’expert, il faudrait donc constituer un type d’intervention publique pour faire en sorte que des liquidités soient disponibles. Mais les Etats ont-ils nécessairement les fonds pour constituer un telle réserve? Les hausses des prix de l’énergie grappillent déjà les budgets publics, notamment sous formes de dépenses ou d’aides comme des réductions de TVA ou même des plafonds de prix.

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