Philippines, Indonésie, Vietnam,… Risques de troubles dans les pays d’Asie du Sud-Est si la crise alimentaire continue

Un ménage américain moyen consacre environ 8% de son revenu mensuel à satisfaire ses besoins alimentaires, en Europe on se situe entre 10 et 20%, mais dans de nombreux pays, cette proportion est bien plus importante. En 2021, les ménages philippins consacraient près de 40 % de leurs dépenses totales à la nourriture et aux boissons non alcoolisées, selon l’Autorité philippine de la statistique, et cet ordre de grandeur est valable pour la majorité des pays d’Asie du Sud-Est.

Or dans le contexte actuel de forte hausse des prix des denrées alimentaires, cette région du monde pourrait bien être confrontée à une résurgence des troubles sociaux, alarme Mohamed Faiz Nagutha, économiste spécialiste de l’ANASE (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) à la Bank of America Securities.

Les marchés intrarégionaux, un gage de stabilité

« Cela dit, l’inflation alimentaire de l’ANASE a été un peu moins volatile et plus contenue que par le passé parce que nous dépendons beaucoup du commerce intrarégional et qu’il y a beaucoup de soutien gouvernemental en place pour contenir l’inflation alimentaire », nuance l’analyste sur le plateau de l’émission « Street Signs Asia » de CNBC. L’inflation régionale est passée de 3 % en février à 3,5 % en mars, selon FocusEconomics, ce qui est finalement assez peu par rapport à d’autres régions du monde, en particulier l’Europe et l’Amérique du Nord. Mais Mohamed Faiz Nagutha craint que cela ne change dans les mois à venir.

Avec la réouverture des économies et la consommation accrue de services, la demande contribuera à une hausse de l’inflation, estime-t-il. Cependant, cela va s’ajouter aux pressions sur les coûts que subissent les entreprises, et celles-ci chercheront à répercuter une partie de ces coûts sur les consommateur. Cette situation, combinée à l’inflation des prix de l’énergie et des denrées alimentaires dans le monde, risque bien de faire grimper encore plus l’inflation globale en Asie du Sud-Est. Et dans des pays où les aliments de base repréentent une telle proportion des dépenses, c’est la porte ouverte à une très probable contestation, comme c’était d’ailleurs déjà le cas au Moyen-Orient suite à l’invasion russe de l’Ukraine, les deux pays étant de grands fournisseurs de blé.

Quelle hauteur pour le plafond ?

La grande inconnue reste la montée des prix de l’énergie, pétrole en tête, et des autres produits de base, y compris alimentaires : nul ne peut prédire à quel niveau ceux-ci vont plafonner. Mais ça sera probablement très haut, selon le spécialiste de l’Asie du Sud-est, ce qui maintiendra l’inflation mondiale à un niveau élevé.

Étant donné le chemin parcouru par l’Asie du Sud-Est dans le cadre de la reprise après la pandémie, les banques centrales de cette région devraient se préparer à aller au-delà du soutien à la croissance et à s’intéresser à l’inflation, a-t-il ajouté : « Il s’agit d’ancrer les attentes en matière d’inflation et d’envoyer le signal que les taux directeurs que nous avons dans l’ANASE ne sont plus justifiés compte tenu de la situation dans laquelle nous nous trouvons dans le cycle d’inflation mondial. »

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