« Pas un bitcoin ou un stablecoin »: Kate Coin, la cryptomonnaie mal assumée de la banque KBC

Le bancassureur a annoncé ce jeudi son entrée dans la « toute nouvelle économie » basée sur les technologies du web3. Une opération de com qui ne change fondamentalement pas la donne et prête volontiers à sourire dans la communauté crypto.

Cryptowashing. Lorsque la grande banque avait dévoilé en mai 2021 la volonté d’émettre sa propre « monnaie virtuelle » , on imaginait difficilement les dirigeants de KBC suivre la voie spirituelle de Satoshi Nakamoto. À l’époque, on en arrivait déjà à la conclusion prématurée qu’il s’agissait là d’une technique marketing pour (ren)forcer son image de leader de l’innovation.

L’annonce faite aujourd’hui, une année plus tard, confirme les premières impressions. KBC a en effet présenté son prototype, la Kate Coin, empruntant le doux nom féminin de son assistant personnel numérique. Il s’agit d’un token natif d’une blockchain privée développée au sein de l’enseigne bancaire. Ces jetons évoluent dans un environnement closed loop, c’est-à-dire régulé automatiquement pour maintenir un état voulu sans interaction humaine. Impossible de transférer ses Kate Coins d’un wallet KBC à un autre. Impossible aussi d’échanger ces cryptos bancaires ailleurs que dans l’écosystème de la bancassurance.

« Un environnement fermé en dehors duquel la Kate Coin n’a aucune valeur », précise KBC, soulignant que cette fermeture totale n’est que temporaire car de nouvelles possibilités d’applications seront envisageables par après dans un écosystème plus large. « Certains clients entrepreneurs de KBC, des tiers ou des partenaires qui proposent déjà leurs services via KBC Mobile et ses 1,8 million d’utilisateurs pourraient également y proposer les Kate Coins. »

Un peu de cryptobashing au passage

Institution bancaire oblige, il fallait néanmoins marquer la distinction avec tout ce qui se fait déjà sur le sulfureux marché crypto. « La Kate Coin est une monnaie numérique programmable, pas un bitcoin ou un stablecoin », insiste alors KBC.

Afin de démontrer son propos, le bancassureur affirme que sa devise digitale « diffère fondamentalement des stablecoins » en expliquant que la Kate Coin est « en sous-jacent entièrement garantie (fully collateralised) et liée à l’euro sur une base 1:1 ». Autrement dit, la définition même… d’un stablecoin.

Blague à part, les garants de la réputation de KBC ont cru bon d’éviter toute confusion possible avec ces fameux stablecoins qui ont dernièrement encore plus mauvaise presse qu’à l’accoutumée. L’effondrement du stablecoin UST de Terra, qui a entraîné les difficultés du prêteur en cryptomonnaies Celsius, a vraisemblablement accentué le sentiment de peur extrême sur le « bear market » crypto

L’opération de com autour de Kate Coin pouvait-elle se permettre de ne pas dénoncer la volatilité et la spéculation ? Deux dimensions « exclues » chez KBC. Les relationnistes publics de la banque grossissent le trait dans leur communication : « La Kate Coin se conformera bien entendu pleinement au cadre réglementaire ou législatif européen et national applicable. Toutes les transactions sont effectuées dans l’environnement sécurisé de KBC, une blockchain privée gérée par KBC et dont KBC contrôle l’accès. » Dont acte.

Les stablecoins bancaires, la solution ?

En attendant, la Kate Coin dépasse laborieusement l’effet d’annonce et ajoute une énième monnaie virtuelle à une longue tradition de points de fidélité, kilomètres parcourus en avion, bons cadeaux d’artisans et autres portefeuilles d’événements.

Tout au plus, KBC vante le caractère programmable de sa crypto-qui-n’en-est-pas-une. Prétendue spécificité qui n’apparaît, pour l’heure, pas nettement plus élaborée que le caractère paramétrable d’autres monnaies virtuelles proposées dans le commerce ou les jeux vidéo depuis longtemps.

Face à l’émergence de la DeFi (finance décentralisée), les banques commerciales promettent des nouveaux produits financiers attrayants en amenant les monnaies fiduciaires sur une plateforme blockchain. Cela fait par exemple belle lurette que la banque d’État, Belfius, a émis ses propres cryptomonnaies. Mais surtout n’en parlez à personne.

Ces formes de monnaie tokenisées et autres stablecoins issus par des banques constitueraient selon l’industrie bancaire une meilleure alternative pour faciliter la transmission des paiements et autres activités financières. Traduction simultanée : les banques commerciales ne veulent pas perdre leur important rôle d’intermédiaire monétaire.

L’industrie bancaire semble d’ailleurs préférer de plus en plus cette formule maison d’argent programmable aux projets de monnaies numériques de banques centrales. Et pour cause, l’euro digital géré par la BCE pourrait copieusement siphonner leurs dépôts.

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