Belfius a déjà ses propres cryptomonnaies, mais surtout n’en parlez à personne

Que font les banques belges face à l’adoption progressive des cryptos ? Elles radotent en public sur les risques du bitcoin mais planchent en interne sur des applications concrètes. Exemple avec la banque d’État.

Le marché mondial des cryptomonnaies pèse actuellement 1350 milliards d’euros. Sur les milliers de pièces et jetons numériques existant, le bitcoin domine avec une capitalisation à lui seul de 600 milliards. Suit l’ether, l’actif natif de la blockchain Ethereum, du haut de ses 257 milliards. Et ces dernières 24h, près de 72 milliards d’euros ont transité sous cette forme « d’argent d’Internet ».

Ce système financier et monétaire digitalisé ne peut certainement plus être ignoré. Mais face à la volatilité de leur prix, leur surconsommation énergétique, leur complexité réglementaire, les grandes banques belges préfèrent encore se tenir à distance de ces cryptomonnaies « sauvages ».

En public, en tout cas. Car, en interne, les institutions bancaires comprennent l’engouement pour l’innovation technologique. Elles ont cerné les gains d’efficacité potentiels des cryptos mais préfèrent garder le contrôle. Les banques belges ont ainsi déjà les mains dans le cambouis de la blockchain. Prenons l’exemple de Belfius.

En mode fintech

La banque d’État a un laboratoire idéal pour ces initiatives : The Studio, une « start-up interne », combinant l’agilité de la jeune pousse aux ressources de Belfius. Son équipe d’intrapreneurs ambitionne de développer des produits qui soutiennent les actes citoyens. Les solutions créées recourent ainsi aux objets connectés (IoT), au cloud computing et à la blockchain.

« Belfius a émis plusieurs sortes de stablecoins », a récemment exposé Geert Gielens, directeur économique de la fédération belge du secteur financier Febelfin. « Pour un usage tout autre que celui du bitcoin, pas pour des motifs de spéculation mais pour stimuler le commerce local ou encourager certains comportements. »

Pour rappel, un stablecoin est monnaie numérique dite stable car l’actif sur la blockchain est adossé à une devise à cours légal telle que l’euro. Sans vraiment avoir assumé le caractère crypto dans sa com, la banque Belfius se retrouve ainsi derrière plusieurs initiatives du genre.

Monnaies numériques locales

Citons le buck-e, un stablecoin récompensant le choix d’une mobilité verte. Avec une app dédiée et un système IoT de localisation, des enfants qui vont à l’école à pied ou à vélo reçoivent des « pièces numériques » qu’ils peuvent dépenser chez les commerçants locaux. Un modèle tout-à-fait transposable aux employés d’une entreprise.

Le compteur de buck-e affichait au début de l’année 60 écoles et 170 villes participantes, pour 1,5 million de kilomètres parcourus en vélo et 13 millions d’euros dégagés en récompenses.

Autre solution clé en main pour les parties prenantes, le cirklo.

Voulue comme une « réponse au changement de comportement du consommateur du 21e siècle », cette plateforme blockchain lancée en pleine pandémie permet aux villes et communes d’émettre des « chèques-cadeaux ». Dit autrement, ce sont des stablecoins à dépenser également dans les commerces locaux.

« La blockchain est appelée à jouer demain un rôle toujours plus important dans le secteur public », assurait Belfius en octobre 2019 en lançant, avec l’intercommunale flamande de gestion des déchets MIWA, l’application MIWA My Waste.

Une plateforme blockchain connectée aux poubelles à puce qui mesure la quantité exacte de déchets produits par ménage. Si les citoyens réduisent leurs déchets, par un meilleur recyclage par exemple, l’app les rétribue en cryptomonnaies qu’ils peuvent utiliser comme moyen de paiement dans l’économie locale.

Manipulant des cryptos sans en préciser la nature, Belfius prenait soin à l’époque de bien marquer la différence avec le bitcoin, mettant en avant le caractère privé de sa blokchain. « Seuls les membres du consortium peuvent consulter et télécharger cette base de données, contrairement à la blockchain Bitcoin, qui est accessible à tous », insistait la banque.

Et le « KBC Coin » ?

KBC a évoqué plus officiellement l’ambition de créer sa propre « monnaie virtuelle ». Interrogée par nos soins, l’entreprise externe qui joue l’architecte techno de ce projet n’a pas souhaité en commenter les aspects structurels. Seul l’avenir nous démontrera alors s’il s’agissait de cryptowashing ou non.

Le bancassureur flamand a jusqu’ici surtout annoncé s’intéresser de plus près aux monnaies numériques de banque centrale (CBDC) et envisager un token, un jeton numérique estampillé KBC pour épargner de l’argent (style prime de fidélité) et/ou pour faciliter certains services (recharge de voiture électrique, franchise d’assurance).

En attendant, KBC a recours aux vertus de la blockchain avec we.trade notamment, une plateforme de smart contracts adressée aux entreprises de l’import/export pour simplifier les processus transactionnels. Dès que la marchandise arrive, le paiement est automatiquement réalisé.

Pour aller plus loin:

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