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La mort annoncée des voitures à moteur thermique pourrait être repoussée face à la pénurie de batteries européennes

La mort annoncée des voitures à moteur thermique pourrait être repoussée face à la pénurie de batteries européennes
Getty Images

On l’écrivait il y a quelques mois : l’Europe doit redoubler d’efforts pour soutenir les investissements dans la production de batteries en misant sur l’extraction des métaux rares. Le manque d’indépendance de l’UE en la matière pourrait désormais retarder ses plans de « zéro émission nette ».

Pourquoi est-ce important ?

Le développement et la fabrication de batteries sont d'une importance capitale pour l'Union européenne, jouant un rôle essentiel dans la transition vers une énergie propre et contribuant à la compétitivité de l'industrie automobile. Dans cet objectif de devenir un leader mondial dans la production et l'utilisation durable des batteries, la Commission européenne a présenté en 2018 un plan d'action... qui présente certaines lacunes stratégiques majeures et pourrait repousser la fin des voitures traditionnelles au-delà de 2035.

L’essentiel : L’Europe ne se donne pas les moyens de ses ambitions pour sa transition énergétique.

  • Un rapport de la Cour des comptes européenne met en évidence certaines failles dans le plan stratégique de la Commission européenne concernant les batteries, élaboré en 2018.
  • La Commission n’a pas analysé la production de batteries au sein de l’UE, pourtant indispensable pour réaliser son objectif de neutralité climatique et de maintien de la compétitivité du secteur automobile européen.
  • La Commission européenne scrute attentivement la chaîne de valeur des batteries au sein de l’UE, en se basant sur des données souvent limitées et obsolètes.
  • De plus, le plan d’action ne fixe pas d’objectifs clairement quantifiés et à court terme.

Résultat : Cette situation accroît le risque que l’objectif de zéro émission des voitures établi par la Commission pour 2035 ne soit pas atteint en raison d’une production insuffisante de batteries.

  • En d’autres termes : la fin des (nouvelles) voitures à moteurs thermiques serait repoussée au-delà de 2035 face à ces retards, puisque les véhicules électriques ont besoin de ces batteries pour fonctionner, alors que 30 millions de VE devraient rouler sur les routes européennes d’ici à 2030.
    • « Si vous misez autant sur les voitures électriques et que vous savez que vous manquez de matières premières sous terre, cela signifie que vous finirez soit par ne pas atteindre l’objectif de 2035, soit par dépendre de pays tiers », a déclaré à Euractiv Annemie Turtelboom, membre de la Cour des comptes européenne qui a dirigé l’audit.
  • Autre scénario possible, donc : l’objectif de zéro émission pour les ventes de nouvelles voitures est bien atteint, mais en s’appuyant sur des batteries ou des véhicules électriques importés, au détriment de la chaîne de valeur des batteries européennes et des emplois qui en dépendent.
    • Cela pourrait entraîner une augmentation des coûts des véhicules électriques fabriqués en Europe, car les constructeurs automobiles doivent se conformer aux prix fixés par les pays tiers.
  • Une situation qui engendre dans tous les cas une incertitude totale concernant la sécurité de l’approvisionnement en matières premières nécessaires pour soutenir la production au sein de l’UE.

Une pénurie de matières premières dès 2030

Les causes : Si la capacité de production de batteries lithium-ion augmente rapidement dans l’UE et devrait passer de 44 gigawattheures en 2020 à environ 1.200 d’ici à 2030, le déploiement effectif de cette capacité pourrait être entravé par des facteurs géopolitiques et économiques.

  • La chaîne de valeur des batteries de l’UE reste dépendante des approvisionnements extérieurs malgré les initiatives politiques depuis 2008.
  • Elle est également confrontée à une explosion des coûts énergétiques depuis la guerre en Ukraine.
  • À partir de 2030, les fabricants européens pourraient alors faire face à une pénurie de matières premières pour les batteries, prédit la Cour des comptes.
  • Cette pénurie est due à une demande mondiale croissante, en particulier dans le secteur de l’électrification des transports, ainsi qu’aux limites de l’approvisionnement national en matières premières de l’UE.
  • De leur côté, la Chine et les États-Unis, leaders du marché, attaquent à coup de subventions pour booster leurs investissements locaux en la matière, réduisant à peau de chagrin les miettes pour l’Europe.
  • Ajoutons que ces matières premières nécessaires sont à la fois rares et difficiles à obtenir, bien que des découvertes récentes en Suède, en Norvège ou encore au Portugal ramènent un peu d’optimisme.
    • Le rapport critique ici la lenteur de la transformation des opérations minières européennes en sites de production rentables. Entre 12 et 16 ans sont nécessaires entre la découverte de réserves minières et la production.
  • Cette année, la Commission européenne s’est cependant rendu compte qu’elle filait droit dans le mur et a proposé une loi sur les matières premières critiques pour remédier à cette situation. Sans doute un peu tard, compte tenu d’un calendrier assez serré et d’une concurrence féroce.
    • La Commission ne dispose pas d’une vue d’ensemble de l’ensemble des aides publiques accordées à l’industrie, ce qui l’empêche d’assurer une coordination et un ciblage adéquats.
    • De plus, « les conditions du soutien financier aux ‘Projets importants d’intérêt européen commun’ dépendent de la localisation des investissements », critique la Cour des comptes.

À suivre : Annemie Turtelboom a mis en garde contre le risque que l’UE répète les erreurs du passé si elle ne parvient pas à augmenter sa capacité de production nationale de batteries selon ses besoins. « L’UE ne doit pas se retrouver dans la même situation de dépendance avec les batteries qu’avec le gaz naturel, car sa souveraineté économique est en jeu », a-t-elle conclu.

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