L’Inde en passe de construire la plus grande centrale de tous les temps, avec l’aide d’EDF

La plus grande centrale nucléaire de tous les temps va-t-elle voir le jour en Inde? Le projet, mené avec le géant français EDF, vient de passer un cap crucial, après des années d’enlisement face à de vives oppositions locales.

EDF a annoncé vendredi avoir déposé « l’offre technico-commerciale engageante française en vue de la construction de six EPR (réacteur nucléaire, NDLR) sur le site de Jaitapur ».

Il doit s’agir à terme de la plus grande centrale nucléaire au monde, avec une capacité totale de presque 10 gigawatts (GW) pour approvisionner en électricité 70 millions de foyers.

Sa construction doit prendre une quinzaine d’années au total, mais elle commencera à être exploitée avant d’être complètement achevée.

EDF n’est pas chargé de construire le site à proprement parler. Mais en fournissant les réacteurs, le groupe public français, notamment associé à l’américain GE, jouera de loin le rôle le plus important du projet destiné à être exploité par son homologue indien.

L’annonce de vendredi ouvre la voie à un accord final entre Français et Indiens. En déposant cette offre contraignante, EDF, qui était seul en lice, donne la base pour conclure les négociations d’ici à quelques mois.

L’aboutissement de 20 ans de tractations

C’est donc un tournant pour un projet capital à plusieurs titres. Industriel, vu sa taille sans précédent. Économique, avec un contrat qui devrait représenter des dizaines de milliards d’euros même si aucun montant n’est officiellement évoqué. Social, puisqu’EDF promet que des dizaines de milliers de personnes seront employées sur place pour construire les réacteurs.

Enfin, sur le plan politique, l’affaire est surveillée et accompagnée de près depuis plus d’une décennie par les autorités françaises et indiennes, malgré de multiples contretemps.

Tout a commencé à la fin des années 2000 sous la présidence française de Nicolas Sarkozy. A l’époque, le projet était mené par le géant nucléaire Areva qui l’a ensuite légué à EDF quand celui-ci a repris une part de ses activités.

Mais entretemps, il y a eu en 2011 l’accident nucléaire de la centrale de Fukushima au Japon qui a créé des inquiétudes et gelé nombre de grands projets de ce type.

Paris et New Delhi ont relancé le projet en 2018, lors d’une visite en Inde du président Emmanuel Macron.

A l’époque, les médias annonçaient que la construction commencerait avant la fin de l’année. Mais depuis, l’accord se fait attendre, malgré le soutien du gouvernement indien de Narendra Modi.

« Vu l’ampleur du projet, il fallait bien trois ans », a assuré Xavier Ursat, le dirigeant chargé du nucléaire au sein d’EDF. « On vient de remettre un document qui fait entre 7.000 et 8.000 pages ».

Opposition locale

Le projet mérite ces précautions car il fait l’objet depuis des années de vives oppositions locales, à commencer par l’un des principaux partis au pouvoir dans l’État de Maharashtra où se trouve Jaitapur.

Le Shiv Sena (extrême droite), dont est issu le chef de cet État, a longtemps mené campagne contre cette centrale, avant de se montrer plus discret ces derniers temps.

Les critiques se concentrent sur le risque de séismes et les conséquences pour la pêche locale de l’évacuation des déchets nucléaires.

Certaines organisations anti-nucléaires craignent que les négociations entre EDF et son homologue indien dégagent trop le groupe français de sa responsabilité.

« EDF peut s’en sortir avec peu ou pas de conséquences en cas de grave accident », estimaient en 2019 deux militants antinucléaire, Suvrat Raju et M.V. Ramana, dans une tribune à The Hindu, l’un des principaux journaux anglophones indiens.

« Il y a peu d’éléments qui l’encouragent à maintenir des critères élevés de sûreté », jugeaient-ils, émettant aussi des doutes quant à l’intérêt économique du projet.

Le géant français de l’électricité argue n’avoir, en matière d’image, aucun intérêt à s’engager dans un projet qui ne serait pas absolument sûr.

Sur le plan des risques sismiques, notamment, « avec les études dont on dispose, on estime que les conditions géologiques du site sont excellentes (et) tout à fait comparables à celles qu’on rencontre dans un pays comme la France », affirme M. Ursat.

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