L’élite de la Silicon Valley est fatiguée de San Francisco et veut bâtir une ville idéale à partir de rien

Plusieurs noms connus de la tech américaine ont acheté des milliers d’hectares non loin de San Francisco et de la Silicon Valley. Le New York Times raconte ce week-end la progression de ce mystérieux nouvel Eldorado.

La semaine dernière, une opération longtemps gardée secrète a été révélée au grand jour dans le Comté de Solano, près de San Francisco. Les habitants ont commencé à recevoir des emails et des SMS, leur demandant leur avis sur « Joe Biden », « Donald Trump » ou encore « Flannery Associates ». Une question était relative à une éventuelle initiative de vote pour un projet qui « inclurait une nouvelle ville avec des dizaines de milliers de nouvelles maisons, une grande ferme d’énergie solaire, des vergers avec plus d’un million de nouveaux arbres et plus de 5.000 hectares de nouveaux parcs et d’espaces ouverts ».

Ces questions ont mis la puce à l’oreille des habitants du Comté de Solano, qui s’interrogent depuis de nombreuses années sur les mystérieux achats de terrains de cette société : Flannery Associates. Les spéculations sont allées bon train : un nouveau parc à thèmes ? Des achats liés à des projets chinois ? Un nouveau port ?

La genèse du projet

Pour comprendre, il faut revenir en 2017. Michael Moritz, le milliardaire en capital-risque, envoie une note aux investisseurs potentiels à propos d’une opportunité inhabituelle : investir dans la création d’une nouvelle ville californienne. L’idée a germé dans la tête de Jan Sramek, 36 ans, un ancien trader de Goldman Sachs, qui a tenté de convaincre les plus grands noms de la tech. Ce dernier a imaginé acheter des terrains non loin de la baie de San Francisco pour y construire une sorte de cité idéale.

5 années et 800 millions de dollars plus tard, Flannery Associates a acheté des milliers d’hectares à 60 miles au nord-est de San Francisco, auprès de 400 propriétaires, dont certains sont subitement devenus millionnaires.

Parmi les associés, on retrouve quelques noms connus de l’élite de la Silicon Valley, comme Reid Hoffman, co-fondateur de LinkedIn, Marc Andreessen et Chris Dixo du fonds d’investissement Andreessen Horowitz. Patrick et John Collison, les frères co-fondateurs de la société de paiement Stripe, et encore d’autres noms.

La cité idéale

Leur ambition est de construire une ville à partir de rien. Faire d’une zone aride coupée par une autoroute à deux voies et des lignes à haute tension, une ville, moderne et propre, habitée par de dizaines de milliers d’habitants.

Leur volonté est née du rejet des désagréments qui s’accumulent à San Francisco, entre les difficultés d’agrandir la Silicon Valley, la montée des prix de l’immobilier, mais aussi la hausse de l’insécurité, du sans-abrisme et de la congestion. Le centre-ville en particulier est en proie à une crise profonde, faite de drogue, de bureaux vides et de commerces qui ferment leurs portes. Un cercle vicieux qui fait régulièrement la Une de l’actualité américaine et internationale.

Il reste à voir si ce doux rêve d’une ville idéale se réalisera. Certains estiment que les infrastructures existantes sont nulles ou presque, que la région est en proie aux sècheresses régulières et présente un risque élevé d’incendies.

Un long fantasme

Ce n’est pas la première fois que l’idée d’une ville 2.0 est imaginée par des milliardaires-apprentis sorciers : Peter Thiel, co-fondateur de PayPal et investisseur milliardaire de Facebook, a investi il y a plusieurs années dans le Seasteading Institute, qui visait à construire une nouvelle société sur des structures semblables à des nénufars dans un océan libre de lois et d’impôts.

Plus récemment, Elon Musk a acheté des milliers d’hectares non loin d’Austin, le siège de Tesla. Il veut faire de la bourgade de Snailbrook une sorte de ville utopique où viendraient vivre les employés de Tesla dans la joie et la bonne humeur.

Et vous rappelez-vous de Telosa, cité idéale mi-égalitariste, mi-capitaliste, voulue par l’ancien directeur de Walmart, Marc Lore ? Deux ans plus tard, on est toujours sans nouvelle d’une quelconque avancée de ce projet.

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