Le fiasco de la dette d’Evergrande met fin à l’appétit insatiable de la Chine pour la construction : quelles sont les implications pour l’économie mondiale ?

La crise de la dette du géant de l’immobilier Evergrande a mis en évidence les faiblesses du plan de croissance économique et de « prospérité commune » de la Chine. La stagnation de la croissance en Chine pourrait également avoir de graves conséquences sur d’autres marchés.

Après le fiasco d’Evergrande, on n’a plus à expliquer que le marché immobilier en Chine est une gigantesque bulle. Le géant de l’immobilier, qui emploie directement pas moins de 200.000 personnes et travaille sur 800 projets, a des dettes de plus de 300 milliards de dollars. Il existe d’ailleurs d’innombrables autres dettes que la société n’a pas enregistrées.

Nous ne savons pas encore comment Evergrande va finir. La question de savoir si l’épopée de la dette se révélera être un « Lehman Brothers chinois » ou non est également toujours en cours de discussion. Ce qui est clair, c’est que les autorités chinoises doivent trouver d’urgence une solution à la bulle immobilière croissante, qui a atteint des proportions colossales ces dernières années.

Cette année, le président Xi Jinping a redoublé d’efforts pour laisser son empreinte sur la République populaire. L’un des principaux piliers de son plan consiste à instaurer une « prospérité commune » entre les Chinois. Toutefois, un marché immobilier surévalué constitue un frein majeur au projet de Xi. Après tout, comment la Chine peut-elle stimuler son taux de natalité stagnant et sa prospérité générale si les espaces de vie restent totalement inabordables pour le citoyen moyen ?

57 revenus annuels

Vous pouvez d’ailleurs prendre ce dernier point au pied de la lettre. Selon les chiffres de l’Institut avancé des finances de la Rushi chinoise, le prix de revient d’un appartement dans le pôle technologique de Shenzhen représente actuellement environ 57 fois le revenu annuel du Chinois moyen. Dans la capitale, Pékin, c’est à peine moins: nous parlons de prix qui sont 55 fois supérieurs à un revenu annuel.

Petite note de bas de page : les Chinois peuvent parler d' »achat » et d' »acquisition » de biens immobiliers, mais ils ne seront jamais réellement propriétaires de leur maison. Lorsque les Chinois « achètent » une maison, ils obtiennent en fait un bail de 70 ans du gouvernement. Ceux qui parviennent à gagner plus de 50 années complètes de revenus au cours de cette période peuvent néanmoins être contraints de se séparer de leur maison après 70 ans.

Nous parlons donc effectivement de la bulle des bulles. Même pendant les beaux jours de la bulle immobilière japonaise dans les années 1980, les appartements à Tokyo étaient « seulement » 18 fois plus chers que le revenu annuel moyen.

Les investisseurs qui possèdent des actions dans les principaux promoteurs immobiliers chinois craignent que le président Xi n’intervienne bientôt pour réduire cette bulle. La banque centrale chinoise a déjà annoncé à l’été 2020 trois « lignes rouges » que les promoteurs immobiliers n’étaient pas autorisés à franchir. Ils doivent désormais maintenir un ratio fixe entre la dette et les actifs pour éviter les pénalités. En agissant de la sorte, le gouvernement voulait éviter que des sommes encore plus importantes soient injectées dans le marché immobilier.

Comment en est-on arrivé là ?

Pendant ce temps, la Chine est affligée d’une énorme quantité de logements inabordables et vides ou de bâtiments à moitié terminés. En août, 15 immeubles d’habitation inachevés de la ville de Kunming, dans le sud-ouest du pays, ont été dynamités par 85.000 explosions contrôlées en moins d’une minute. Les bâtiments y étaient complètement vides depuis 2013, après que l’entrepreneur initial ait manqué d’argent pour finir le travail.

Le pays est rempli de boîtes en béton vides similaires. La construction était autrefois le moteur de la croissance économique de la Chine. Le secteur représente encore 29 % du PIB de la Chine. La dette astronomique d’Evergrande n’est qu’un symptôme de cette surconstruction systématique.

Selon le Financial Times, il y a suffisamment de maisons vides en Chine pour loger 90 millions de personnes. Cela signifie qu’il y a suffisamment de logements disponibles dans le pays pour loger toute la population de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Royaume-Uni ou du Canada, avec un peu d’espace restant.

En Chine, la taille moyenne des familles est de trois personnes, grâce à la politique stricte de l’enfant unique appliquée pendant des décennies. Le pays disposerait de pas moins de 3 milliards de mètres carrés d’espace disponible. Plus qu’assez d’espace pour 30 millions de familles chinoises.

Conséquences pour l’économie mondiale

Les experts estiment actuellement que la croissance de l’économie chinoise ne s’arrêtera pas tout simplement, pas même à cause d’Evergrande ou du vieillissement du marché du travail. Ce qui est plus probable, c’est que la croissance stagne de manière significative dans les années à venir. Selon certaines prévisions, l’économie chinoise ralentira de 4 % entre 2025 et 2030.

Entre 2000 et 2009, le PIB de la Chine a augmenté à un taux annuel moyen de 10,4 %. Cette performance exceptionnelle a lentement décliné entre 2010 et 2019, bien que la croissance annuelle du PIB se soit maintenue à une moyenne de 7,68 %. Une croissance dont rêve tous les pays occidentaux.

Une certaine forme de stagnation de l’économie chinoise sera sans aucun doute ressentie dans le monde entier. La Chine est désormais le plus grand moteur de prospérité du monde. Le Fonds monétaire international (FMI) indique qu’entre 2013 et 2018, le pays a contribué à 28 % de la croissance du PIB mondial. C’est deux fois plus que l’économie des États-Unis.

Même si la Chine peut éviter une crise économique en évitant l’implosion d’Evergrande, les perspectives à long terme des marchés mondiaux semblent beaucoup moins bonnes qu’elles ne l’admettent.

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