Des marchandises européennes d’une valeur d’au moins 1 milliard de dollars ont disparu dans le « commerce fantôme » russe, écrit le Financial Times ce jeudi matin.
Le « commerce fantôme » sert de béquille à l’économie russe : les sanctions sont encore plus perméables qu’on ne le pensait

Pourquoi est-ce important ?
Alors que l'Europe prépare son 11e paquet de sanctions contre l'économie russe, la question se pose toujours sur leur réelle efficacité. Que ce soit en matière d'énergie et désormais de matériel technologique, les marchandises trouvent d'autres voies pour pénétrer le marché russe.Dans l’actu : Le Financial Times a analysé les données des exportations de l’UE.
- L’exercice vaut ici pour trois destinations que l’on sait controversées de par leurs liens avec Moscou : le Kazakhstan, le Kirghizstan et l’Arménie.
- Sur les 2 milliards de dollars d’articles expédiés vers ces trois pays, seule la moitié a atteint sa destination prévue.
- Ces biens « à double usage » sont souvent du matériel technologique qui peut être utilisé par des services militaires ou de renseignement.
Il s’agit bien sûr d’un tout petit échantillon. Sur l’ensemble des biens européens à destination du Kazakhstan, par exemple, la différence entre les données kazakhes et les données européennes montrent que 2,9 milliards de dollars de marchandises ont disparu sur l’année 2022. On vous laisse imaginer le montant pour l’ensemble des pays controversés dans leur rapport avec la Russie.
Les détails : comment fonctionne ce « commerce fantôme » ?
- La technique est somme toute assez sommaire : « Le décalage entre les registres suggère que la Russie a contourné les sanctions en utilisant des intermédiaires, des agents ou des fournisseurs qui inscrivent de fausses destinations sur les déclarations douanières de l’UE », écrit le journal économique.
- Cette technique a permis à Moscou de conserver un accès à des produits européens essentiels, notamment des composants d’avions, des équipements optiques et des turbines à gaz.
- Pour les turbines à gaz, les fers à souder et le matériel de radiodiffusion, presque aucune marchandise n’est arrivée à destination.
- Entre les lignes, on comprend que certains fournisseurs et destinataires ne jouent toujours pas le jeu des sanctions. Et qu’il est bien facile pour eux de contourner les règles.
- « Il a fallu près d’une décennie et de nombreuses amendes de plusieurs milliards de dollars pour que le secteur financier commence à prêter attention aux sanctions. Pourquoi en serait-il autrement pour les entreprises en ce qui concerne les contrôles à l’exportation ? », explique assez justement Elina Ribakova, chargée de recherche à l’Institut Peterson pour l’économie internationale.
L’essentiel : l’UE change de paradigme pour ses sanctions.
- On ne parle ici que de biens matériels à « double usage ». Mais il en va de même dans l’autre sens, pour le pétrole russe qui arrive en Europe via la « flotte fantôme » de la Russie ou par l’intermédiaire de pays tiers qui servent là encore de plaque tournante, en maquillant l’or noir russe.
- Dans les faits, l’embargo et le plafond des prix sont un vrai gruyère : du pétrole russe déguisé arrive toujours par voie maritime dans les ports européens.
- La dernière étude du centre de recherche finlandais « Center for research on energy and clean air » (CREA) montre que cinq pays blanchissent le pétrole russe pour le refourguer ensuite sur le marché occidental : la Chine, l’Inde, la Turquie, les Émirats arabes unis et Singapour. Les importations européennes de pétrole raffiné depuis tous ces pays ont fortement augmenté.
- Les volumes d’échange du pétrole russe n’ont pas diminué en 2022. La Russie a juste trouvé d’autres destinations pour refourguer son pétrole. La seule différence est qu’il s’agit maintenant d’un pétrole à bas prix.

- En proposant son 11e paquet de sanctions, l’Europe veut envoyer un signal clair aux entreprises tiers qui ne joueraient pas le jeu des sanctions, en réexportant du matériel vers la Russie. Parmi les 541 entreprises visées, on retrouve 8 sociétés chinoises.
- Ce nouveau train de sanctions est un changement de paradigme : il ne se limite plus à la Russie stricto sensu et insinue clairement que des pays tiers ne jouent pas le jeu. Pékin a réagi furieusement.