L’AIE prévient l’Europe: « Reportez la fermeture de vos centrales nucléaires et n’hésitez pas à revenir au charbon »

Pas à pas, la Russie ne cesse de diminuer ses livraisons en gaz vers l’Europe. Pour l’Agence internationale de l’énergie (AIE), cela pourrait se terminer par une fermeture complète du robinet. Son patron distille ses conseils pour éviter le pire.

Si certains États membres de l’Union européenne sont favorables à un embargo sur le gaz russe, cette mesure est loin de faire l’unanimité. D’autres, bien trop dépendants, y sont opposés. Mais cet embargo pourrait bien prendre la tournure inverse: c’est la Russie qui semble décidée à stopper ses livraisons.

Ces dernières semaines, la Pologne, la Bulgarie, le Danemark et les Pays-Bas ont vu leur approvisionnement en gaz russe totalement coupé. Presque la même chose pour la France la semaine dernière, qui n’en reçoit plus via Nord Stream 1: seules les livraisons par la mer sont toujours assurées. Dans le même temps, l’Allemagne, l’Italie et l’Autriche ont également signalé de fortes réductions des livraisons en provenance de Russie.

Face à cette situation, il est légitime de se demander si la Russie ne va pas tout simplement arrêter d’approvisionner l’ensemble des pays européens. Pour certains, la question ne se pose même plus, la seule inconnue est le timing. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) invite l’Europe à se préparer.

« L’Europe doit être prête »

Dans une interview accordée au Financial Times, le directeur exécutif de l’agence, Fatih Birol, a confié qu’une coupure du robinet à gaz russe semblait être un scénario de plus en plus probable.

« L’Europe doit être prête au cas où le gaz russe serait complètement coupé », a-t-il déclaré. « Plus nous approchons de l’hiver, plus nous comprenons les intentions de la Russie. Je pense que les coupures ont pour but d’éviter que l’Europe ne remplisse les stocks, et d’augmenter l’influence de la Russie pendant les mois d’hiver. »

« Les émissions du charbon seront compensées »

Évidemment, les pays européens ne sont pas naïfs. Nombre d’entre eux se préparent à une rupture totale des livraisons de gaz russe. Mais selon Birol, ils n’en font pas encore assez. Il craint que les mesures les plus fortes ne soient prises qu’à l’approche de l’hiver, quand ce sera trop tard. Pour lui, il faut enclencher les grandes manœuvres dès aujourd’hui.

Ces derniers jours, une annonce a fait grand bruit. Celle de l’Allemagne, qui a fait part de son intention de brûler davantage de charbon dès cet été pour assurer son approvisionnement énergétique. Les Pays-Bas et l’Autriche ont annoncé des mesures similaires. Sans nommer ces pays expressément, Birol leur a donné raison. Tant que cela reste une mesure temporaire, bien sûr.

« Toute émission supplémentaire de CO₂ due à la combustion de charbon très polluant sera compensée par une accélération des plans de l’Europe visant à réduire sa dépendance à l’égard des combustibles fossiles importés et à renforcer les capacités de production renouvelables », a-t-il expliqué au FT.

« Prolongez vos centrales nucléaires »

Si l’Allemagne est contrainte de miser à nouveau sur le charbon, c’est en partie parce qu’elle a tourné le dos au nucléaire. Elle a réduit de moitié sa capacité en fin d’année dernière en fermant trois centrales. Et malgré la guerre en Ukraine, début mars, elle a refusé de prolonger ses trois dernières centrales encore en service. Ces dernières seront arrêtées cette année.

Une décision que le patron de l’AIE – sans citer l’Allemagne, à nouveau – semble regretter. Il invite en tout cas les autres pays européens à « envisager de reporter les fermetures [de centrales nucléaires] tant que les conditions de sécurité sont réunies ».

Parmi les autres solutions avancées par Birol, il y a aussi la réduction de la demande, qui semble de toute façon inévitable. Et cela pourrait bien passer par un rationnement, qu’il juge comme une « possibilité réelle ».

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