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La Russie doit-elle s’attendre à un contre-choc du gaz ? « La Russie n’a pas retenu la leçon des deux chocs pétroliers des années 70 »

La Russie doit-elle s’attendre à un contre-choc du gaz ? « La Russie n’a pas retenu la leçon des deux chocs pétroliers des années 70 »
Vladimir Poutine & Olaf Scholz – crédit: Getty Images

La Russie, en jouant avec les vannes du gaz, a bien profité et continue de profiter de la hausse des prix. Mais doit-elle s’attendre à un contre-choc à plus long terme, comme l’ont connue les monarchies pétrolières après les chocs pétroliers des années 70 ?

De par son pétrole et son gaz, la Russie a constitué un véritable trésor de guerre, se chiffrant à 1 milliard de dollars par jour. Même avant le conflit en Ukraine, Moscou a subtilement joué avec les vannes de Gazprom, faisant artificiellement monter les prix, ce dont l’Allemagne s’est rendue compte bien tard.

Ces derniers jours, le régime de Poutine a trouvé une nouvelle excuse : un problème de turbine les contraint à faire fonctionner Nord Stream 1 à 20% de sa capacité. Immédiatement, les prix du gaz de référence du TTF ont bondi, atteignant la barre des 225 dollars, un record qui a dépassé celui établi en mars, peu après l’invasion de l’Ukraine.

À court terme, on comprend facilement la stratégie de Moscou: s’enrichir, bien sûr, mais aussi diviser les capitales européennes. Craignant pour son industrie, l’Allemagne a récemment fait pression au sein de l’UE pour diminuer la consommation de gaz de 15%. Un accord avec de nombreuses exemptions a pu finalement être dégagé entre les 27, mais il a montré que la solidarité européenne avait ses limites. Les pays du sud de l’Europe, qui dépendent peu du gaz russe, au contraire de l’Allemagne, ont encore tous en mémoire les leçons de bonne gestion de la crise de 2008, et ses plans d’assainissement demandés par Berlin. Cette fois, les pays dits du Club Med peuvent s’en prendre à la politique énergétique désastreuse de leur riche cousin allemand.

La leçon des chocs pétroliers

Mais à plus long terme, la Russie doit se préparer au pire. La récession arrive aux États-Unis et en Europe. Les prix stratosphériques vont forcément faire baisser la demande, ce qui fera baisser à son tour les prix du gaz.

« La Russie n’a pas retenu la leçon des deux chocs pétroliers des années 70 », commente dans sa newsletter matinale Marc Fiorentino, analyste des marchés financiers. « A l’époque, l’OPEP avait provoqué une envolée du prix du pétrole. Une victoire à court terme comme c’est le cas pour la Russie avec le gaz. Mais la hausse folle du pétrole avait provoqué une récession et une chute de la consommation qui a fait chuter lourdement et durablement les cours du pétrole. On a appelé cela ‘le contre-choc pétrolier’, un contre-choc qui a mis pendant près d’une décennie les pays de l’OPEP au tapis. Un scénario similaire est plus que probable. »

L’expression « contre-choc pétrolier » a été forgée en 1985, lorsque les prix du pétrole ont retrouvé des prix comparables à avant 1973, à moins de 10 dollars le baril.

Il ne faut jamais oublier que le gaz est une énergie hyper-abondante et qu’il existe de nombreux pays producteurs. Certes, la Russie est un acteur incontournable du gaz actuellement, mais avant la crise ukrainienne, « on ne savait même plus où vendre le gaz », a rappelé la semaine dernière Samuele Furfari, professeur en géopolitique de l’énergie à l’Université libre de Bruxelles (ULB). Pour l’expert, c’est certain, « la crise du gaz est un phénomène temporaire ».

La Russie va perdre son premier client

La Russie se remplit les poches, mais perdra à terme son premier client : l’Union européenne. Elle se retrouvera avec du gaz à bas prix qu’elle ne pourra plus écouler. Certes, la Russie tente d’intensifier ses échanges avec la Chine et l’Inde, mais il n’est pas certain que cela suffise. Le retour de bâton sera sans doute très violent pour la Russie.

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