La « loi crypto » discrètement votée: « Il ne faudra pas créer une véritable usine à gaz »

Moins d’un mois après son dépôt au parlement, la loi sur les prestataires de services crypto a été validée en douce, selon la volonté apparente d’encadrer strictement le secteur et malgré le risque d’alourdir les procédures.

Il reste des chantiers qui ne traînent pas en Belgique, ironisent certains observateurs en découvrant la nouvelle législation sur le site du parlement fédéral. Déposé le 20 décembre par le ministre des Finances, le projet de loi censé structurer le statut et le contrôle des prestataires de services d’échange en monnaies virtuelles et de portefeuilles de conservation a été adopté le 12 janvier dernier en commission des Finances. Promptement, sans tambour ni trompette.

Le gouvernement veut grosso modo permettre à l’autorité des marchés financiers, la FSMA, de contrôler tous les distributeurs automatiques (ATM) de cryptomonnaies installés en Belgique, d’interdire la fourniture de services liés aux actifs numériques pour les prestataires qui ne seraient pas inscrits auprès de la FSMA, notamment ceux simplement constitués à l’étranger.

Pour mémoire, des dispositions existaient déjà en matière de cryptos depuis la loi contre le blanchiment et le financement du terrorisme (2017) ainsi que son extension (2020) aux monnaies virtuelles.

Effectivité à démontrer

« Une série de critères devant être définis selon un arrêté royal, pas encore voté à notre connaissance », épingle l’avocat Florian Ernotte, associé du cabinet Avroy, cofondateur du site cryptomonnaie.be et auteur d’un e-book sur la fiscalité des cryptomonnaies en Belgique

Selon Me Ernotte, par cette nouvelle loi, le ministre des Finances Van Peteghem entend encadrer de manière assez stricte l’utilisation des crypto-actifs.

« Ce raisonnement peut paraître logique et presque séduisant mais il se heurte à une erreur », estime l’avocat rompu aux bitcoin et altcoins. « Si la FSMA ne sait pas contrôler ces entités établies à l’étranger, comment va-t-elle appliquer l’interdiction ? Si le projet de loi prévoit une sanction pénale à l’égard d’une entité qu’elle ne sait pas contrôler, on peut légitiment se poser la question de l’effectivité d’une sanction pénale à l’égard de pareille entité. »

Clarté demandée

Dans ce cadre normatif belge, Florian Ernotte entre-aperçoit un futur système d’agrément des prestataires de services crypto, délégué à la FSMA, mais tout est encore à préciser au niveau des conditions. Il est seulement fait référence à ce propos à la législation bancaire et financière.

« Satoshi doit être ravi », sourit Me Ernotte. « À titre personnel, nous pensons qu’il est nécessaire d’apporter un cadre juridique clair au secteur afin de baliser l’action des acteurs. Néanmoins, il ne faudra pas créer une véritable usine à gaz. Evitons à tout prix les procédures longues et complexes. »

Et de conclure : « Nous pouvons trouver un peu de réconfort dans les récents propos tenus par le ministre Van Petghem, à l’origine du projet de loi ».

Interrogé sur l’émission obligataire de la Banque européenne d’investissement réalisée à l’aide d’Ethereum, le ministre des Finances a en effet salué les qualités de la technologie décentralisée. « Sans blockchain, un tel niveau de transparence et d’efficience des flux financiers n’est pas possible » , a déclaré Vincent Van Peteghem (CD&V). Notons cependant qu’il a pris soin dans son intervention de bien distinguer cryptomonnaie et blockchain.

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