La France va-t-elle laisser Facebook réguler les messages de haine ?

En France, le Sénat envisagera prochainement la deuxième lecture de la loi dite ‘Avia sur la cyberhaine’. Mercredi, cette loi a été approuvée par l’Assemblée nationale.

La loi est largement basée sur le travail de la députée Laetitia Avia de La République et Marche (LREM). Elle avait déjà formulé 20 propositions à cet effet en 2018. Le principe central étant : obliger les réseaux sociaux (Facebook, YouTube, Twitter) à supprimer immédiatement les messages de haine postés par les utilisateurs (terrorisme, racisme, antisémitisme, homophobie, pédophilie, etc.). Un délai général de 24 heures a été proposé lors de la première lecture du projet de loi. Lors de la deuxième lecture, le délai pour les publications liées au terrorisme et à la pédophilie a été réduit à une heure.

Les conséquences de cette loi sont colossales. Ce serait donc aux plateformes de décider ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. L’État leur donne ce droit, ou plutôt les oblige à exercer ce droit.

Contrairement à la censure gouvernementale, déjà très problématique, cette politique n’entre pas dans un cadre juridique clairement défini. Les plateformes sont censées appliquer la censure nécessaire avant qu’une affaire ne soit portée devant les tribunaux. S’ils ne le font pas, ils risquent une amende de 250 000 euros et un an de prison.

Les Français copient le modèle allemand

Les Français copient donc le modèle allemand (la loi dite NetzDG). Les réseaux sociaux seront condamnés à une amende de 50 millions d’euros si les messages de haine ne sont pas supprimés dans les 24 heures. Les responsables de ces entreprises encourent une amende de 5 millions d’euros s’ils refusent de supprimer de tels messages sur simple demande.

Les résultats obtenus par les Allemands sont à première vue encourageants. Depuis l’entrée en vigueur de la loi, il y a eu une diminution de 16 % du nombre de messages antisémites, selon les recherches du Congrès juif.

Pourtant, la loi a déjà conduit à des situations folles. Par exemple, un tweet raciste de la députée AfD Beatrix von Storch a été supprimé. Dans ce tweet, elle qualifiait les immigrants musulmans de ‘barbares et violeurs. Mais dans la foulée ils ont également bloqué le compte Twitter d’un hebdomadaire satirique. Ce dernier avait publié à ce sujet qui n’était rien de plus qu’une satire sur les déclarations de cette député de l’AfD.

Et la liberté d’expression ?

‘Ce qui se passe ici, c’est exactement ce que nous craignions’, a déclaré Frank Überall, président de l’association des journalistes DJV, dans le journal français La Croix. ‘Une entreprise privée de droit américain décide maintenant des limites de la liberté de la presse et la liberté d’expression.’

En d’autres termes, Facebook doit désormais résoudre le ‘problème Facebook’.

La France veut donc suivre le même chemin. La censure gouvernementale est déjà une question très complexe et délicate. Maintenant, les gens veulent demander aux réseaux sociaux d’appliquer la censure. Non pas dans un cadre législatif clair, mais rapidement et à la seule discrétion des entreprises. S’elles ne le font pas, elles risquent des amendes colossales.

‘Zuckerberg a plus de pouvoir que le pape en 450’

Les critiques soutiennent qu’après leur souveraineté économique, nos démocraties abandonnent désormais également leur liberté d’expression aux GAFA. Nous avons d’abord autorisé les GAFA à utiliser des stratégies d’évitement fiscal extrêmement agressives. Ce sont les GAFA qui, jusqu’à présent, décident où et combien d’impôts elles sont prêtes à payer. Dans une prochaine étape, les GAFA détermineront maintenant ce que nous pouvons et ne pouvons plus faire.

Pour reprendre les mots du chirurgien et business angel français Laurent Alexandre : ‘Mark Zuckerberg a autant de pouvoir que le pape en l’an 450’.

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