La bouteille de jus d’orange coûtera bientôt plus cher, et ce n’est pas que à cause de l’inflation

Un insecte qui propage une maladie qui tue les arbres mène à de mauvaises récoltes, le jus d’orange regagne de l’intérêt auprès de consommateurs après des années de baisse de la demande, et les stocks de jus sont vides. Ces trois éléments vont faire augmenter le prix du jus d’orange.

26% en trois mois, 31% en un an : le prix des contrats à terme du concentré de jus d’orange congelé (référence du marché) a fortement augmenté à la bourse de New York ces derniers temps. C’est que la production, ces dernières années, a décliné, notamment en Floride et au Brésil, rapporte BFM Business.

Si la production est en déclin, c’est à cause d’un insecte, le psylle asiatique des agrumes, ou diaphorina citri. Cet insecte minuscule (3 à 4 millimètres) se nourrit de la sève des jeunes arbres à agrumes, et y niche ses oeufs. Mais il ne vient pas seul : il dépose en même temps une bactérie qui provoque la maladie du dragon jaune, aussi appelée verdissement des agrumes ou citrus greening en anglais. Elle provoque la mort lente des arbres : ils produisent de moins en moins, et des fruits de plus en plus petits et de plus en plus verts, avant de mourir, généralement dans les dix ans.

Le psylle asiatique des agrumes. crédit : Peggy Greb/Us Department Of Agriculture/Science Ph/Science Photo Library/ISOPIX

Il n’existe encore aucun remède contre la maladie. Les producteurs peuvent uniquement lutter contre les insectes. Des recherches sont cependant en cours pour développer des espèces plus résistantes, mais un tel procédé prend du temps.

L’insecte vient d’Asie, et s’est établi au Brésil et en Floride dans les années 80-90. Dans les années 2000, la maladie commence à apparaitre, prenant de court les producteurs des deux régions. Il faut savoir qu’il s’agit de deux régions importantes pour la production mondiale, qui « font le marché ».

Effet de la maladie. crédit: Chris O’meara/AP/ISOPIX

Mauvaise récolte 2021-22

La baisse de production, depuis, est colossale. De 230 millions de caisses de 40 kilogrammes, avant la maladie, la Floride est passée à 100 millions en 2013-14, et jusqu’à une estimation de 44,5 millions en 2021-22. La production du Brésil est estimée à 264 millions de caisses, où en 2004-05 elle était encore de plus de 460 millions. La plus forte chute en Floride est dû au climat : de nombreux ouragans ont disséminé les insectes partout, constate Eric Imbert, chercheur en économie au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), cité par BFM.

La récolte de l’hiver passé a été mauvaise. Habituellement, après une année de mauvaise récolte, où les arbres ont cependant pu se reposer en portant moins de fruit, la récolte est meilleure l’année d’après. Mais cette règle agricole ne s’est pas concrétisée cette année. La Brésil, qui a connu gel et sécheresse en 2021, reste sur le même nombre que l’année précédente. En Floride, le ministère de l’Agriculture s’attend à une baisse de 16% par rapport à l’année précédente.

Retournement de tendance : la consommation de jus augmente

Les deux principaux marchés sont les Etats-Unis et l’Europe. Sur les deux marchés, depuis le début des années 2000, la consommation était en baisse, notamment à cause d’une image de boisson sucrée, et donc « mauvaise » pour la santé, et encore à cause d’une augmentation des prix. Cette baisse de la consommation en parallèle avec le baisse de la production permettait en partie de garder un certain équilibre entre les deux tendances.

Mais cette année, la demande a rebondi, malgré les attentes. A cause de la crise sanitaire notamment, et des bienfaits de la vitamine C pour le système immunitaire. En décembre, la consommation avait ainsi augmenté de 10%, par rapport à décembre 2020, pour le pur jus, et de 4% pour le jus à base de concentré.

Pas assez de stocks de jus

En plus de la baisse de production et de l’augmentation de la demande, les stocks de jus (denrée qui se conserve facilement) sont au plus bas. Le recours à d’autres producteurs est compliqué, car ils produisent d’autres oranges : en Méditerranée par exemple, les oranges sont destinées à la vente en tant que fruit, et non à des grands producteurs de jus (même si elles peuvent être utilisées pour faire du jus, chez soi ou dans l’horeca).

Augmentation des prix inéluctable

Ces trois éléments mènent donc à une augmentation des prix. Au port de Rotterdam, la tonne est passée de 1.800 dollars il y a un an à 2.000 dollars aujourd’hui, analyse BFM. Et comme le jus représente 60 à 80% du prix de la bouteille, l’augmentation du prix devrait se ressentir très prochainement, dans les supermarchés par exemple. Eric Imbert ajoute encore que les prix des jus multifruits serait moins directement touché, car les producteurs diminuent alors la part de l’orange pour augmenter la part d’un autre fruit, pour compenser cette augmentation.

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