Le conflit au Nagorny Karabakh aboutit à un nouveau cessez-le-feu : quels sont les enjeux et pourquoi cette région est-elle si explosive ?

L’une des régions les plus instables de ces dernières décennies est sans aucun doute le Nagorny Karabakh. Mardi, l’Azerbaïdjan a décidé de lancer une « opération anti-terroriste » pour réprimer la région dissidente. Aujourd’hui, un jour plus tard, les parties belligérantes ont déjà conclu un cessez-le-feu. Que s’y passe-t-il exactement ?

Dans l’actu : Un nouveau cessez-le-feu moins de 24 heures après que l’Azerbaïdjan a lancé son offensive contre la république d’Artsakh.

  • L’Artsakh est un État auto-proclamé au Nagorny Karabakh, une région qui se situe à l’intérieur des frontières de l’Azerbaïdjan. Cependant, sa population est principalement constituée d’Arméniens ethniques, qui ont peu de liens avec leurs voisins azerbaïdjanais. La région n’est reliée à l’Arménie que par un étroit couloir de cinq kilomètres de large, le corridor de Latchine. Ce dernier est d’une importance vitale pour les habitants d’Artsakh, qui reçoivent de l’aide humanitaire depuis l’Arménie.
  • Hier, l’Azerbaïdjan a lancé une « offensive anti-terroriste » dans la région, principalement dirigée contre les forces armées arméniennes présentes et l’infrastructure militaire. Des explosions ont été entendues dans la capitale locale, Stepanakert, et l’Azerbaïdjan aurait également pris pour cible es civils lors de l’attaque. Au total, 25 soldats de l’Artsakh ont été tués et 165 autres ont été blessés.
  • Entre-temps, les deux parties ont annoncé qu’un cessez-le-feu avait été conclu. Il a été obtenu grâce à la médiation des forces de paix russes présentes dans la région. L’une des conditions de ce cessez-le-feu est que les soldats présents à Artsakh remettent leurs armes, véhicules et artillerie à l’Azerbaïdjan. Des négociations auront lieu demain dans le village de Yevlakh concernant la possible reddition du gouvernement politique d’Artsakh.

De l’huile russe sur le feu

Entre les lignes : Pourquoi ce conflit reprend-il constamment ? L’influence du Kremlin y est pour beaucoup.

  • L’Arménie est traditionnellement soutenue par le Kremlin, tandis que l’Azerbaïdjan trouve de plus en plus d’alliés en Occident. La Russie a également déployé des forces de maintien de la paix dans la région, mais malgré cela, le conflit s’embrase à nouveau.
  • C’est principalement dû à la position de la Russie. Tout d’abord, le régime actuel du Kremlin se remémore avec nostalgie l’Union soviétique. Il est donc déterminé à réintégrer les anciens États satellites au sein de la fédération russe. Cela semble d’autant plus possible lorsque les dirigeants de ces pays se sentent extrêmement menacés, que ce soit par des troubles internes ou externes. La Biélorussie en est le meilleur exemple : le régime de Loukachenko cherche de plus en plus à se rapprocher de Moscou, tout en essayant de réprimer sa population au bord de la révolte.
  • Dans le Caucase aussi, Poutine souhaite réintégrer les pays au sein de l’État russe. Le conflit au Nagorny Karabakh lui convient donc parfaitement : face à l’instabilité dans la région, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian se trouve de plus en plus sous pression, ce qui pourrait à terme aboutir à une fusion avec la Russie.

Ne pas céder

L’essentiel : La Russie pousse à une fusion avec l’Arménie, et préférerait une autre figure à sa tête.

  • De plus, la Russie peut, grâce à ce conflit, exercer une influence maximale sur la région, à travers les troupes de maintien de la paix au Nagorny Karabakh, mais aussi via la base militaire russe en Arménie. Par ailleurs, le conflit garantit que l’Arménie demeure membre de l’OTSC, l’équivalent actuel de l’OTAN pour le Caucase et l’Asie centrale.
  • Simultanément, Moscou constate que Nikol Pachinian ne cède pas sous la pression et se rapproche même de l’Occident. Si les deux pays de la région se tournent vers l’Occident et que l’UE contribue aux pourparlers de paix, l’influence russe dans la région pourrait s’éteindre. Ainsi, le Premier ministre arménien a vu des manifestants se rassembler devant sa porte, exigeant sa démission s’il ne déclarait pas la guerre à l’Azerbaïdjan. Cependant, c’est la Russie elle-même qui retient l’Arménie d’entrer en conflit, espérant à nouveau provoquer le départ de Pachinian et le remplacer par un Premier ministre pro-russe.
  • En Arménie, l’ingérence de Poutine est loin d’être appréciée : « Depuis que nous sommes au pouvoir, nous avons combattu aux côtés de la Russie en Syrie, nous avons voté avec elle dans toutes les institutions internationales, nous n’avons pas quitté l’OTSC, ni l’Union économique eurasiatique. Pourtant, nous nous retrouvons dans la même situation qu’au début de la guerre au Nagorny Karabakh, lors des attaques contre l’Arménie. S’ils veulent protéger, ils protègent, sinon, ils inventent mille autres raisons. La Russie ne peut pas décider qui prend le pouvoir en Arménie », s’est insurgé le secrétaire du Conseil de sécurité nationale, Armen Grigorian.

(SR)

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