Après 12 ans d’interdiction totale, l’Ukraine autorise à nouveau les jeux d’argent. Une manière de lutter contre tout un système clandestin, mais aussi de remplir les caisses du pays. Mais celui-ci n’a pas exorcisé tous ses démons.
Dans la ville ukrainienne de Dnipropetrovsk, aujourd’hui rebaptisée Dnipro, les gens se pressent dans une salle de jeux où est projetée la demi-finale de la Champions League, qui oppose Barcelone et Chelsea. Un match palpitant, sur lequel les parieurs ont sans doute beaucoup d’espoir. Mais dans le complexe de loisirs de cinq étages, une machine à sous se détraque et prend soudainement feu, et l’incendie s’étend vite aux machines voisines, bien plus nombreuses que les règles ne le permettent. Le bâtiment ne dispose pas de sorties de secours aux normes. Neuf personnes périssent dans l’incendie, onze autres sont blessées. C’était le 7 mai 2009 ; un drame qui a précipité l’interdiction totale des casinos et des établissements de jeux d’argent en Ukraine, y compris sur le Web.
Le retour des bandits manchots
Mais 12 ans plus tard, le pays a décidé de renouer avec le jeu légal. Kiev se couvre de publicités pour de nouveaux casinos alors que le gouvernement a octroyé 40 licences d’exploitation de jeux d’argent, et espère ainsi ramener 160 millions d’euros par an dans des coffres qui en ont bien besoin. Une libéralisation certes, mais que l’Ukraine veut mener de manière responsable selon Anton Kuchukidze, le président du Conseil ukrainien des jeux d’argent : « Le potentiel ici est très élevé, c’est une success-story pour l’Ukraine. C’était affreux avant 2009, il n’y avait pas de protection sociale. Les enfants et les accros au jeu avaient accès aux casinos, bien qu’ils soient sous le contrôle du gouvernement. Les machines à sous étaient partout et le marché n’était de facto pas contrôlé. On peut dire que la fermeture du secteur en 2009 était une bonne chose, mais ce qui a suivi était encore pire. Le marché s’est déplacé dans l’ombre et a continué illégalement, tandis que le gouvernement n’en percevait aucun revenu. »
Des établissements de standing
Un manque à gagner qui compte pour beaucoup dans le revirement des autorités ukrainiennes, mais celles-ci comptent bien tracer une démarcation claire entre le jeu légal et illégal, tant dans les casinos qu’en ligne. Seuls les hôtels d’un certain standing peuvent ouvrir un casino et des règles devraient empêcher l’accès aux joueurs dépendants. Les amendes prévues en cas de violation des règles sont importantes et M. Kuchukidze est convaincu que cela permettra de limiter les risques d’addiction. Le gouvernement espère placer l’Ukraine sur la carte comme un haut lieu des jeux d’argent en Europe de l’Est.
Gros gains et corruption
Un constat encore optimiste toutefois, car les taxes nouvellement instaurées restent élevées : les casinos en ligne devront payer une taxe annuelle de 170.000 euros, indépendamment de leurs revenus. Les joueurs devront également payer une taxe de 19,5 % sur leurs gains. C’est beaucoup, même si un nouveau système de taxes est sur les rails, alors que les salles de jeux illégales sont loin d’avoir disparu dans le pays.
De même d’ailleurs pour la corruption : la police ukrainienne a récemment arrêté un membre de la Commission ukrainienne de réglementation des jeux et des loteries, soupçonné d’avoir accepté un pot-de-vin de 90.000 dollars pour l’octroi d’une licence de jeu. Pas de quoi altérer l’enthousiasme de M. Kuchukidze en tout cas: « Plus de dix sociétés étrangères ont manifesté leur intérêt pour le marché ukrainien des jeux d’argent lorsque le projet de taxe est passé en première lecture. Je pense que lorsqu’il sera adopté, nous verrons davantage d’investisseurs en Ukraine, et c’est naturel, car l’Ukraine est le plus grand marché des jeux d’argent en Europe et nous le verrons plus tard. »
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