« La mère de tous les krachs », « super-bulle prête à exploser », « bombe à retardement » : ces pointures annoncent le pire pour 2023

Alors que les investisseurs voient la vie en rose depuis le début de l’année, certains n’en démordent pas : le pire est à venir. Ils ont fait des prévisions catastrophistes une spécialité. On pourrait leur rire au nez, s’il ne s’agissait pas de grosses pointures de la finance. Quand le marché est dans l’excès, il n’est pas inintéressant d’écouter un autre air de musique.

Dans l’actu : une lettre d’Universa Investments (un hedge fund aussi connu sous le nom de « cygne noir », attribué à son célèbre conseiller, Nassim Taleb) avec des prévisions catastrophistes pour le marché.

  • Mark Spitznagel, investisseur en chef du fonds, parle d’une « bombe à retardement », « la plus grande de l’histoire financière », qui se trouve sous le marché boursier et l’économie en général et qui provoquerait un krach pire que celui de 1929, avec les mêmes conséquences pour le marché, dans une lettre aux investisseurs consultée par Bloomberg.

La montagne de dette va s’écrouler

L’essentiel : vers une crise de la dette.

  • La cause de ce krach : la montagne de dettes qui se trouve sous l’économie, notamment américaine (31.000 milliards de dollars, soit 122% du PIB) mais aussi mondiale. Ce qui a amené cette « bulle de la dette », ce sont les politiques accommodantes des banques centrales de ces dernières années, avec des taux d’intérêt très bas, voire négatifs, explique l’investisseur. Une sorte d’héritage à double crise : la crise financière (2008-2009) et la crise de la dette (2010-2011)
  • « La correction qui était autrefois naturelle et saine est au contraire devenue un brasier contagieux capable de détruire entièrement le système », écrit-il. « Le monde est juste trop endetté aujourd’hui, la construction de la dette est juste trop importante ».
  • Désormais, c’est un serpent qui se mord la queue : avec la hausse des taux d’intérêt, le poids des dettes devient plus important, notamment pour les prêts à taux variable. De l’autre côté, les hausses des taux affectent les revenus des entreprises, ce qui leur donne moins de fonds pour payer leur dette (devenue plus importante). En bout de chaine, moins de revenus pour les entreprises signifie moins de taxes, pour les États, qui sont lourdement endettés.
  • La période qui suivra ce krach sera la « slowcession », prédit l’expert – période de croissance extrêmement lente qu’on peut prendre pour une récession.

Pas le seul oiseau de malheur

Le parallèle : des prédictions quelque peu extrêmes, comparé au consensus du marché, qui voit de plus en plus l’économie éviter la récession (ou ne connaître qu’un ralentissement assez doux). Mark Spitznagel est loin d’être le seul.

  • Le célèbre « Dr. Doom », Nouriel Roubini, évoque une vision similaire. Il met régulièrement en garde contre une « crise de la dette stagflationniste » ; une crise de la dette couplée à un épisode de la stagflation, c’est-à-dire une économie qui stagne et une inflation élevée. Un cauchemar pour toute banque centrale, car élever ou réduire les taux d’intérêt aurait un effet négatif sur l’économie.
  • Jeremy Grantham, qui porte le surnom de « Permabear » (pour pessimiste permanent) ne lésine pas en prévisions catastrophistes. L’année dernière, il parlait par exemple d’une « bulle pire qu’en 2000 » et d’une « super-bulle prête à éclater » pour qualifier le marché boursier. Au début de la semaine, il est revenu à la charge, mettant en garde contre une chute de 50% du S&P 500 à la bourse.
  • Michael Burry s’est fait un nom en 2007 en pariant contre le marché immobilier américain, qui s’est effectivement effondré par après. Depuis, on l’appelle « The Big Short ». En 2021, il a mis en garde contre la « mère de tous les krachs » (2022 a été une année synonyme de baisses, mais pas la pire de l’histoire non plus, au final). Plus tard, il a décrit le marché comme « un avion en train de se crasher« . En ce début d’année, il est à nouveau sorti du bois, mais de manière beaucoup moins métaphorique. Avec un tweet laconique : « Sell. » (Vendez.). En d’autres mots, se débarrasser de tout avant l’effondrement.

Une vision pessimiste mais pas dépourvue d’intérêts

Zoom arrière : un gros coup à gagner.

  • Un hedge fund est un fonds qui offre, normalement, une couverture dans les périodes de difficultés économiques. En 2022, certains fonds ont par exemple mieux performé que le marché, après une période de ventre mou.
  • L’implosion du marché et de l’économie, que prédit Spitznagel, pourrait donc s’avérer bénéfique pour le fonds. Il ne le cache pas : il calcule que le rendement du fonds serait de plus de 400% si le S&P 500 perdait 10% en un mois. Avec une chute de plus de 30%, le rendement serait de plus de 10.000% (des gains basés sur du short selling ou d’autres effets de levier).
    • Sur l’année 2022, l’indice phare de Wall Street a perdu près de 20%, mais l’investisseur en chef ne communique pas le gain que cette baisse a pu lui procurer.
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