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Comment les banques s’enrichissent avec les taux d’épargne, grâce à la BCE

Comment les banques s’enrichissent avec les taux d’épargne, grâce à la BCE
Christine Lagarde – Getty Images

L’exaspération grandit en Belgique et ailleurs dans la zone euro face à la lenteur de l’ajustement des taux d’épargne aux taux plus élevés de la BCE. Cela génère des milliards de bénéfices supplémentaires pour les banques européennes, sans qu’elles aient à faire quoi que ce soit.

Dans l’actu : Le taux de dépôt, l’un des trois taux directeurs de la Banque centrale européenne, est passé à 2,50 % le 8 février.

  • Le taux de dépôt est la commission que les banques perçoivent sur l’argent qu’elles placent auprès des banques centrales nationales du système euro. Pour les banques belges, il s’agit de la Banque Nationale (BNB).
  • La facilité de dépôt permet aux banques de rentabiliser leurs liquidités excédentaires, sans contrepartie.
  • Le site néerlandais Follow The Money a calculé que la dernière hausse de 50 points de base des taux d’intérêt rapportera collectivement aux banques européennes au moins 18,5 milliards d’euros supplémentaires d’ici 2023.

Là où le bât blesse : les taux d’intérêt de l’épargne en Belgique sont encore loin de 2%, et encore moins de 2,50%. Avec un taux d’intérêt d’environ 1% pour l’épargne, les clients peuvent déjà être très satisfaits. Dans de nombreux cas, le taux d’épargne total (taux de base plus prime de fidélité) est même inférieur à ce chiffre.

  • Cela crée le scénario de rêve pour les banques : l’épargne peut être attirée à un prix relativement bas et les liquidités qui ne sont pas immédiatement nécessaires peuvent être déposées à la BNB à un taux attractif.
  • Les hausses de taux de la BCE se succèdent à un rythme si rapide que les banques peuvent se permettre d’ajuster lentement les taux d’épargne, sans vexer le grand public. De nombreux clients sont déjà heureux de gagner enfin plus que le maigre 0,11%, le minimum légal qui a été le rendement pendant des années.

Les graines de la contestation : Pourtant, certaines voix critiques ne pensent pas que ce « déjeuner gratuit » pour les banques soit normal.

  • Les économistes Paul De Grauwe (London School of Economics) et Yuemei Ji (University College London) ont soutenu dans un article publié il y a un mois que la politique monétaire de la BCE, via la hausse des taux de dépôt, conduit à ce que la BCE subventionne les banques.
  • Cette analyse est partagée par le mouvement citoyen allemand Finanzwende. « Selon nos estimations, les banques allemandes encaisseront plus de 25 milliards d’euros de revenus d’intérêts sur les dépôts rien que cette année, et ce sans aucun risque. »
  • L’analyste boursier Stefan Willems a également soulevé la question via les réseaux sociaux. « Il est assez scandaleux de constater le peu d’intérêt que les épargnants reçoivent maintenant que la BCE a déjà porté les taux d’intérêt à 2,5%. Les grandes banques sont très lentes à répercuter la hausse des taux d’intérêt. Peut-être faut-il exercer une pression publique supplémentaire », écrit-il sur Twitter.

Les citoyens se sont fait avoir deux fois

Double facture : les citoyens sont en réalité deux fois perdants avec la forte augmentation des taux de dépôt de la BCE. La Banque Nationale a annoncé à la fin de l’année dernière que les fortes hausses de taux d’intérêt de la BCE entraîneraient des pertes se chiffrant en milliards.

  • Comme la BNB est détenue à moitié par l’État – et donc par les contribuables – nous payons également de cette manière. Le gouvernement pourrait devoir se contenter de dividendes minimes pendant des années, ce qui constitue un revers budgétaire.
  • Chaque hausse de 25 points de base des taux directeurs de la BCE augmente les coûts de la BNB d’environ 310 millions d’euros sur une base annuelle.
  • Ainsi, si les taux de dépôt devaient passer de 2,00% à 3,50% entre début février et début mai – ce que souhaiteraient certains partisans de la ligne dure de la BCE – cela ajouterait 150 points de base, soit 1,86 milliard d’euros de coûts supplémentaires pour la BNB sur une base annuelle.
  • Pierre Wunsch, le gouverneur de la BNB, a reconnu récemment devant la commission des finances de la Chambre que cela crée en fait une dette souveraine cachée dans le bilan de la BNB.

(CP)

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