Avec l’embargo sur le pétrole, l’UE a joué sa dernière carte avant un moment

Mettre d’accord les 27 pays de l’UE sur la marche à suivre pour se passer du pétrole russe n’aura pas été une mince à faire. D’ailleurs, si un plan a bel et bien été établi, son application ne sera pas pour autant une partie de plaisir. Mais ce n’est pas le seul défi auquel l’Union européenne devra faire face.

En réponse à l’invasion de l’Ukraine et après s’être rendu compte à quel point elle était dépendante des combustibles fossiles russes, l’UE a décidé de réduire drastiquement sa dépendance aux pétrole et gaz russes. Elle s’est donné 6 mois pour y parvenir pour le pétrole et jusqu’à la fin de l’année pour ce qui est du gaz.

Durant la nuit de lundi à mardi, les 27 pays membres sont parvenus à trouver un accord pour couper progressivement 90% de l’approvisionnement de pétrole russe. Une sanction infligée à Moscou qui devrait faire mal à son économie – c’est le but –, mais cet embargo devrait être la dernière carte à jouer de l’UE avant un moment. À l’heure actuelle, parvenir à se priver du gaz russe est en effet impossible. L’UE ne pourra pas utiliser cette carte pour faire pression sur Moscou.

Seule solution : trouver des fournisseurs alternatifs

L’Union européenne n’a pas le choix, pour concrétiser son embargo sur le gaz russe, elle doit trouver des alternatives. Et ce ne sera pas une mince à faire, car si la Russie n’est pas le seul fournisseur de l’Europe, ses approvisionnements représentaient tout de même 40% au début de l’année. Un chiffre qui a été réduit à 26% depuis le début de la guerre et les États membres estiment pouvoir réduire ce chiffre à 13% d’ici la fin de l’année.

L’UE s’est déjà tournée vers ses autres fournisseurs, notamment les États-Unis et le Qatar, pour remplacer ses approvisionnements de gaz russes, mais elle devra faire plus et plus rapidement si elle veut être effectivement en mesure de réduire sa dépendance aux livraisons russes.

De nombreux obstacles

Augmenter son approvisionnement de gaz naturel liquéfié provenant des États-Unis ou du Qatar est un bon début, mais cela ne sera peut-être pas suffisant, et ce, pour la simple et bonne raison que ces fournisseurs ne pourront pas forcément répondre à la demande de l’Europe ou que leurs exigences sont trop élevées.

Bien qu’ils soient le premier producteur de gaz naturel au monde et le deuxième exportateur du globe, les États-Unis ne pourront en effet augmenter leurs approvisionnements vers l’Europe ad vitam aeternam. Tout simplement parce qu’ils ne disposent pas des infrastructures nécessaires pour compenser les importations de gaz naturel russe.

Du côté du Qatar, le problème est différent. En tant que l’un des 5 plus grands producteurs de gaz naturel du monde, le pays du Golfe a de quoi faire pression sur l’Europe pour imposer ses conditions en vue d’augmenter ses livraisons de gaz naturel vers le Vieux continent. C’est bien là que ça coince: les exigences du Qatar ne plaisent pas du tout à l’Europe. Elles vont à l’encontre de son engagement à réduire des émissions de CO2 d’ici 2030, mais aussi de l’un de ses principes fondateurs, le marché ouvert. Les discussions sont au point mort.

Mais ce n’est pas tout. Le manque de terminaux GNL joue également dans la balance et met à mal la concrétisation d’un embargo sur le gaz russe. Sans les infrastructures suffisantes pour accueillir le gaz sous forme liquide, impossible d’augmenter les livraisons.

De plus, cette solution entrainera forcément une hausse des prix puisque le GNL, en raison du traitement associé (liquéfaction, transport par bateau, regazéification), est beaucoup plus cher que le gaz naturel russe.

Des discussions qui s’annoncent difficiles

Outre ces obstacles, parvenir à un accord qui comblera toutes les parties, à savoir les 27 États membres, s’annonce complexe. Il a déjà fallu près d’un mois à l’Union européenne pour se mettre d’accord sur le pétrole dont, finalement, trois pays sont exemptés.

Étant donné que le dossier gaz est plus sensible, les membres de l’UE pourraient mettre plus de temps pour arriver à un consensus. Ce dernier pourrait d’ailleurs inclure une exception pour davantage de pays.

Précisions quant au champ d’actions de REPowerEU

Ces 30 et 31 mai a lieu un sommet européen sur l’énergie à Bruxelles. Au programme de cette réunion extraordinaire, comment mettre en place l’embargo sur le pétrole russe – question qui s’est soldée par un accord – et préciser le champ d’action du plan REPowerEU. L’objectif de ce dernier est de permettre à l’UE d’assurer sa transition énergétique et de devenir totalement indépendante de la Russie sur le plan énergétique d’ici 2027. Un projet ambitieux qui obligera l’Union à ouvrir la planche à billets : 300 milliards d’euros seront nécessaires pour le mettre en place.

Pour y parvenir, l’Europe a un plan d’attaque, mais il lui faut encore convaincre ses membres et surtout détailler comment sera utilisé ce budget colossal de 300 milliards d’euros.

La Commission veut tout d’abord mettre en place une plateforme d’achat groupé pour le GNL et par la suite pour l’hydrogène, afin d’éviter que ses membres ne se fassent concurrence.

Il est également question de plafonner les prix, comme en France, et d’imposer des taxes sur les surprofits du secteur de l’énergie.

Des pistes qui doivent encore être détaillées et qui ne font pas l’unanimité des principaux intéressés. Certains reprochent en effet que la dernière solution porterait notamment atteinte au marché libre.

Un consensus ne semble pas encore à l’ordre du jour. Les discussions sur la mise en place du plan REPowerEU pourraient prendre un moment et, pourquoi pas, repousser celles concernant l’embargo sur le gaz russe. Dans tous les cas, mettre tout le monde d’accord sur l’un ou l’autre sujet sera difficile.

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