L’Espagne, championne d’Europe des terminaux GNL, veut devenir la plaque tournante du gaz du continent

Avec sept terminaux pouvant recevoir du gaz naturel liquéfié, l’Espagne est de loin le premier pays d’Europe en capacité d’acceuil du GNL. Le pays recouvre plus d’un tiers des capacités des terminaux, et une bonne part des capacités de stockage également. Il est également connecté à différents gazoducs venant d’Afrique du Nord. Il a donc sa carte à jouer dans la course aux approvisionnements en gaz, autre que russe. Mais ce n’est pas si simple que cela en a l’air.

Alors que l’Allemagne fait feu de tout bois pour avoir ses terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL) dans les plus brefs délais, et se retrouve souvent sous les feux des projecteurs pour cette course effrénée, le sud du continent, notamment l’Espagne, a également sa carte à jouer dans l’acheminement d’approvisionnements en gaz autres que russes.

Le Premier ministre Pedro Sanchez, interrogé lundi soir par CNBC dans le cadre du forum de Davos, explique que l’Espagne recouvre déjà 37% des capacité de regazéification du continent. L’étape de regazéification est nécessaire pour importer le gaz naturel liquéfié depuis un navire, par exemple. En tout, l’Espagne possède sept terminaux de regazéification, écrivions-nous il y a quelques semaines, soit la plus grande capacité d’Europe.

En comptant le voisin portugais, la péninsule ibérique compte même la moitié des capacités de stockage de GNL, poursuit Sanchez.

Au bout de toutes les routes

L’Espagne est un peu la Saint Jacques de Compostelle du gaz. De nombreuses routes d’approvisionnement ont leur terminus en Espagne. Par navire, le pays est facilement accessible, via ses différentes côtes sur l’Atlantique et la Méditerranée, où se trouvent les terminaux de GNL. Le Portugal compte également un terminal.

Ainsi, les livraisons supplémentaires que les Etats-Unis ont promis (qui ne seront néanmoins pas suffisantes pour remplacer le gaz russe) pourront déjà bien trouver leur chemin vers les côtes espagnoles. Des navires venant du Qatar, qui s’est également engagé à augmenter les livraisons, et qui remontent le canal de Suez, pourront trouver leur chemin facilement vers la Grèce (un terminal), la Croatie (un terminal) ou l’Italie (trois terminaux), voire continuer vers les côtes méditerranéennes de l’Espagne. Sanchez en tout cas plaide pour le rôle que tout le sud de l’Europe peut jouer.

Par gazoduc, le pays est également bien connecté, en particulier au réseau africain. Deux gazoducs rejoignent l’Espagne, un via le détroit de Gibraltar et le Maroc, et un autre depuis l’Algérie. L’Algérie, ainsi que la Tunisie et la Lybie, sont également connectées, via gazoduc, à l’Italie. L’Algérie notamment est un pôle important, qui a ses ressources de gaz et s’est engagé à augmenter les livraisons vers l’Europe, et le pays est au bout du futur gazoduc venant d’Afrique subsaharienne, et qui devra acheminer le gaz naturel en provenance du Nigéria. La fin des travaux est prévue pour 2027.

D’un autre côté, l’Algérie est également pointée du doigt comme une autre source d’approvisionnement problématique. Il y a de fortes tensions entre le pays et son voisin le Maroc. L’Espagne, en début d’année, avait livré du gaz au Maroc, ce qui a fâché l’Algérie, au point de menacer de fermer les robinets.

Après l’Espagne?

L’Espagne a de nombreuses capacités de réception de gaz, mais n’a que deux gazoducs allant vers la France et le reste de l’Europe, à l’ouest des Pyrénées. Un projet de gazoduc reliant la Catalogne à la France avait été abandonné en 2019, car jugé trop cher et nocif pour l’environnement. Mais dans le contexte actuel de volonté de mettre fin aux approvisionnements russes et d’exploiter toutes les autres sources possibles, le projet regagne de l’intérêt, rapporte France 3.

Dans tous les cas, des livraisons de GNL (ou via gazoducs) arriveront dans d’autres pays européens, car tout livrer à un seul endroit créera de nouveaux problèmes de dépendance et de distribution. Reste encore à voir si les capacités de regazéification seront suffisantes pour accueillir les livraisons supplémentaires prévues, ou si cela mènera à des problèmes de congestions devant les ports. Les livraisons supplémentaires, elles, ne seront en tout cas pas suffisantes pour remplacer entièrement les importations de gaz russe.

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