‘Attendez-vous à l’inattendu’: voici comment les chaînes d’info américaines se préparent pour le 3 novembre

A quatre jours de la présidentielle, les chaînes d’information américaines se préparent à ce qui risque de devenir leur direct ‘24h sur 24’ le plus périlleux de toute une génération de journalistes: l’Election Night.

Le jour des élections, l’Américain moyen va aller voter, avant de s’installer devant sa TV à partir de 20 heures. À l’heure du coucher, il saura qui dirigera son pays durant les quatre années à venir. 2016 avait constitué une exception à la règle: l’Associated Press (AP) n’avait déclaré Donald Trump vainqueur qu’à 2h29, le mercredi matin.

A travers les pandémies, les guerres mondiales et les perturbations sociétales, l’AP a toujours été la première à annoncer le vainqueur des élections présidentielles au cours des 160 dernières années. En 2000, l’AP avait été la seule, au contraire des 5 autres réseaux d’information traditionnels (CNN, ABC, CBS, NBC et Fox) à ne pas mettre la Floride dans la poche de George W. Bush. Selon ses experts, cet État était ‘too close to call’. Il aura finalement fallu attendre 36 jours avant que la Cour suprême n’octroie l’État, et donc la présidence, à Bush. Pas en recomptant les votes, mais bien en déclarant illégal le recomptage des voix par l’État de Floride ‘pour le bien de l’ordre national’. Même si la loi laisse normalement ce pouvoir à l’État.

L’Election Night 2020 ne ressemblera pas à ce à quoi les Américains sont habitués

Personne ne s’attend à ce que les élections 2020 ressemblent au scénario auquel les Américains sont habitués. En 2016, 42 millions d’Américains avaient voté de manière anticipée. Cette année, ils sont déjà 77 millions. En raison de la pandémie, on assistera aussi à un vote par correspondance massif. Les différents États disposent également de lois différentes concernant le comptage de ces voix. Il est donc possible que, dans un certain nombre de swing states (États pivots) , il n’y ait pas de gagnant avant la fin de la soirée. En Floride, par exemple, les votes peuvent commencer à être comptabilisés dès 22 jours avant l’élection. Mais en Pennsylvanie, au Wisconsin et au Michigan, il faut attendre le jour des élections avant de compter.

Contrairement aux chaînes de télévision comme CNN ou la Fox, l’AP ne projette et ne prévoit aucun vainqueur probable. Elle ne proclame quelqu’un que lorsqu’il est vainqueur. Cela ne se produit que lorsqu’une équipe de 60 analystes est certaine que le candidat en tête ne peut plus être rattrapé. Pour parvenir à cette conclusion, les informations sont recueillies bien avant le jour du scrutin.

Concernant le 3 novembre, le président de l’Association américaine de science politique a demandé aux chaînes de télévision de ne pas déclarer de vainqueur tant qu’il n’est pas certain que le nombre de voix restant à compter est inférieur à l’avance que l’un des deux candidats a accumulée dans un État.

La plus grande crainte est que Trump se déclare vainqueur dans un certain nombre d’États via Twitter, sur base des sondages à la sortie des urnes réalisés par ses propres services de comptage. Si cela se produit, l’AP contredira ce message et indiquera pourquoi un résultat différent reste possible.

Trump veut les résultats définitifs le soir des élections

Les chances que Trump soit en tête durant la soirée du 3 novembre sont élevées. Car le jour du scrutin, les électeurs républicains, bien plus que les électeurs démocrates, préfèrent se rendre en personne aux bureaux de vote. Plutôt que de s’en remettre au vote par correspondance. Ce n’est pas pour rien que l’actuel président a déjà déclaré à plusieurs reprises qu’il compte sur les tribunaux pour mettre fin au décompte des voix durant la soirée.

Dans un scénario cauchemardesque pour les démocrates, et à condition que l’État de Pennsylvanie s’avère décisif, il se pourrait même que ce soit la juge Amy Coney Barrett, récemment nommée à la Cour suprême, qui donne la victoire à Trump.

Kayleigh McEnany, porte-parole de la Maison Blanche, a également annoncé récemment que Trump était prêt à accepter les résultats d’élections ‘justes et équitables’ si leur issue était connue durant la soirée du 3 novembre. ‘C’est ainsi que notre système est censé fonctionner’, a-t-elle ajouté.

Les votes comptent, pas le temps

Bien sûr, c’est absolument absurde. Aucune loi ne stipule que le vainqueur doit être connu le soir des élections. Dans une démocratie qui fonctionne, tous les votes légalement exprimés sont comptés. Ce n’est pas pour rien que les grands électeurs ne votent pas avant le 14 décembre.

L’un des rares éclats dans cette sombre bagarre électorale est une étude récente réalisée par le Washington Post, en collaboration avec l’université du Maryland. 53% des personnes interrogées pensent qu’il faudra deux à trois jours avant de connaître le gagnant. 62% d’entre eux se disent très confiants, ou du moins assez confiants, quant à l’exactitude du comptage des voix.

Quoi qu’il arrive, les réseaux d’information sont prêts. ‘Attendez-vous à l’inattendu’ est leur unique devise.

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