Afghanistan : les talibans s’emparent de six capitales régionales en quatre jours

Les talibans prennent les villes afghanes les unes après les autres. Le territoire contrôlé par le gouvernement se réduit comme peau de chagrin. Le retrait de Washington apparait de plus en plus comme une catastrophe, pour les Afghans comme pour l’équilibre stratégique de la région.

Plus rien ne semble pouvoir arrêter la grande offensive des talibans : alors qu’il y a quelques jours à peine, ceux-ci ne contrôlaient que des régions rurales, voici que les villes afghanes tombent les unes après les autres entre leurs mains. Ce lundi, c’est Aybak, dans le sud-ouest, qui a été prise, après les capitales régionales Kunduz, Taliqan, et Sar-i-Pul, toutes conquises ce dimanche. La veille, c’était Chéberghân, la capitale de la province du Djozdjan, à l’est, près de la frontière turkmène. Et les combattants islamistes menacent maintenant Mazar-i-Sharif, la quatrième plus grande ville du pays, avec ses 693.000 habitants. Et qui se situe, elle, à l’extrême-nord de l’Afghanistan.

A lire les comptes-rendus, on pourrait croire que les talibans sont partout à la fois. Et c’est bel et bien le cas : selon les cartes du projet médiatique The Long War Journal, le gouvernement officiel et l’armée ne contrôlent plus que le centre du pays et une pincée de districts éparpillés dans l’est. Kaboul, la capitale, et les grandes villes de Kandahar et de Herat sont isolées par une ceinture de zones contestées par les insurgés.

Source : The Long War Journal

Le joug des seigneurs de guerre

Au rythme où les talibans rétablissent leur contrôle sur le pays, 20 ans après avoir été chassés du pouvoir par une coalition menée par les États-Unis, on peut se demander si le gouvernement afghan officiel a encore la moindre chance de se maintenir au pouvoir. Le président afghan Ashraf Ghani compte réarmer les diverses milices du pays, souvent tribales, afin qu’elles soutiennent l’armée régulière. Une situation qui n’est pas sans rappeler la guerre civile des années 90, où de nombreux camps se livraient à un jeu de conflits et d’alliances pour la suprématie. Jusqu’à la victoire quasi-totale des talibans en 1997.

Le retrait des forces de l’Otan en général, et américaine en particulier, lui sera vraisemblablement fatal, et l’Afghanistan risque bien de rebasculer sous le joug des seigneurs de guerre islamistes. Une catastrophe pour beaucoup d’habitants, qui fuient massivement les zones occupées.

L’inquiétude des pays voisins

Mais aussi pour les pays frontaliers, qui craignent la contagion islamiste au sein de leurs propres frontières. Avec des réactions diverses. La Chine semble préférer négocier avec des envoyés talibans. Tandis que les anciennes républiques soviétiques frontalières, Turkménistan, Tadjikistan, Ouzbékistan, renforcent leur armée. Les chefs d’État de ces trois pays, ainsi que ceux du Kirghizistan et du Kazakhstan se sont rencontrés à Avaza [Turkménistan] le 6 août dernier. Sous l’égide de Moscou, qui a annoncé le déploiement de bombardiers Tu-22, capables d’emporter 12 tonnes de munitions, en Ouzbékistan.

En Occident, les conséquences du retrait des troupes américaines attirent les critiques des alliés traditionnels de Washington. Le secrétaire britannique à la Défense, Ben Wallace, parle de trahison envers le gouvernement afghan. Les Américains promettent de continuer à soutenir les forces légitimes par des bombardements aériens, mais sans base d’opération dans le pays, ceux-ci ont bien peu de chance d’inverser la situation sur le terrain.

Un porte-parole de l’OTAN a appelé les talibans à mettre fin à l’offensive et à revenir à la table des négociations au Qatar. L’envoyé américain en Afghanistan, Zalmay Khalilzad, a également lancé cet appel « comme étant la seule voie vers la stabilité et le développement de l’Afghanistan ». Une main tendue qui a peu de chance d’être saisie, les talibans étant sur le point de remplir leurs objectifs traditionnels, avec en premier lieu le départ de toute force armée étrangère. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils parviendront à s’emparer durablement du pouvoir dans un pays aussi morcelé que l’Afghanistan. De nombreux groupes rivaux, parfois ethniques, se sont toujours affrontés pour le contrôle de l’une ou l’autre région du pays.

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