L’armée américaine assure qu’elle soutiendra les Afghans, mais avec quoi ?

Les États-Unis ne disposent d’aucune base aérienne à proximité directe du pays. Et les tentatives de moderniser l’armée afghane l’ont plutôt privée d’un arsenal soviétique plus ancien mais toujours efficace, et que les soldats connaissaient bien. Sans techniciens américains, le pays n’a presque plus de force aérienne.

Le général américain Kenneth McKenzie assurait que le retrait d’Afghanistan des forces de l’Otan ne signifiait pas la fin de tout soutien militaire aux forces armées afghanes. « Les États-Unis ont augmenté le nombre de frappes aériennes en soutien ces derniers jours et nous sommes prêts à maintenir ce niveau de soutien accru dans les semaines à venir si les talibans poursuivent leurs attaques » a-t-il affirmé.

Si cette augmentation des frappes aériennes américaines semble bien se confirmer pour l’instant, cela n’est qu’une bien maigre consolation pour les soldats afghans aux prises avec les talibans et autres groupes rebelles. Car la situation du pays se dégrade de jours en jours: un couvre-feu a été instauré dans 31 provinces du pays. Seules trois, celles de Kaboul, du Panchir et de Nangarhar ne sont donc pas concernées. Et l’insécurité augmente, avec 1.659 civils tués et 3.254 autres blessés depuis le début de l’année, tandis que des flux de réfugiés s’entassent dans les grandes villes. Le choix des cibles des frappes américaines est parfois révélateur: au moins deux attaques ont été menées pour détruire des équipements tombés aux mains des talibans, dont un blindé et une pièce d’artillerie.

Loin des yeux, loin des renforts aériens

Mais ces attaques aériennes seront-elles encore possibles longtemps ? Car s’ils quittent l’Afghanistan, les Américains ne possèdent aucune base dans aucun des six pays frontaliers du pays. Les avions et les drones censés soutenir les troupes afghanes doivent donc décoller du Moyen-Orient ; d’Irak, d’Arabie saoudite, ou des Émirats arabes Unis. Ou alors depuis un porte-avion amarré dans l’océan Indien. Des pistes lointaines qui limitent les interventions américaines à des attaques de positions fixes et connues à l’avance. D’autant qu’il n’est pas exclu que des pays comme le Pakistan finissent par s’opposer à ces opération qui survolent son territoire.

87.000 fusils introuvables

Quant à l’armée afghane elle-même, elle est déjà minée par les désertions, l’illettrisme, et la corruption. Et les tentatives d’en faire une force armée « à l’occidentale » ont plutôt sapé ses savoirs acquis. Beaucoup de soldats ont ainsi du troquer leurs AK-47 pour s’entrainer avec des fusils M-16 américains et autres dérivés. Mais sur les 242.000 armes légères livrées par les États-Unis à Kaboul entre décembre 2004 et juin 2008, environ 87.000 ont disparu dans la nature.

Du matériel neuf mais peu fiable

Et c’est pire pour le matériel lourd. Le retrait occidental prive les Afghans d’une bonne part de leur propre matériel volant, car ce sont des techniciens américains qui assuraient la maintenant des hélicoptères Black Hawk fournis au pays l’année passée. Alors que les Mil-Mi 17 d’origine soviétiques ont largement fait leur preuve sur ce théâtre d’opération, et que les Afghans les connaissent bien. Même désenchantement pour l’aviation : 33% du parc est incapable de décoller, et les munitions -américaines- manquent pour les quelques bombardiers d’appui au sol Tucano.

En quittant l’Afghanistan, les États-Unis ne font donc pas que rendre leur soutien militaire plus lointain et plus incertain. Ils coupent aussi les fines ailes d’une armée afghane nombreuse sur le papier, mais démotivée et débordée. Jusqu’à offrir, 20 ans après l’intervention décidée par George Bush, le pays aux talibans sur un plateau d’argent ?

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