Dans une interview accordée à Bloomberg, Fatih Birol, chef de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), a averti que l’OPEP+, le cartel pétrolier et ses alliés, devrait faire attention au retour de flamme sur ses réductions de la production de pétrole.
Le chef de l’AIE avertit l’OPEP+ : en réduisant la production de pétrole, elle se tire aussi une balle dans le pied
Pourquoi est-ce important ?
L'OPEP+ a une énorme influence sur le marché pétrolier et donc aussi sur l'économie mondiale. Si le prix du pétrole augmente, que ce soit en raison d'une réduction de la production ou non, il deviendra plus difficile de lutter contre une inflation tenace. Ce qui pourrait signifier que les perspectives économiques pourraient rester sombres plus longtemps.Dans l’actu : la réduction de la production annoncée récemment par l’OPEP+ pourrait faire des ravages dans une économie mondiale déjà fragile. En outre, cela serait préjudiciable pour les producteurs de pétrole eux-mêmes à long terme, estime Birol.
Problème 1, pour l’Opep+ : « Ils doivent être très prudents », souligne le chef de l’AIE. « Si les producteurs de pétrole essaient de faire monter les prix, le succès des voitures électriques n’ira qu’en s’accélérant. »
- La transition vers l’électrique a pris son envol ces dernières années. Il y avait 26 millions de voitures électriques (VE) sur les routes l’année dernière, soit une augmentation de 60% par rapport à 2021. Une voiture neuve sur sept vendue actuellement est électrique, et ce chiffre passera à près d’une sur cinq d’ici la fin de cette année, estime l’AIE.
- En réduisant sa production maintenant, l’OPEP+ pourrait nuire à elle-même sur le long terme. De nombreux pays de l’organisation dépendent fortement de la demande mondiale de pétrole. Une transition accélérée vers la conduite électrique ne sera que désavantageuse pour eux.
Le moteur économique du monde
Problème 2, pour le reste du monde : réduire la production maintenant, alors que le moteur économique mondial s’essouffle, retardera la reprise, selon Birol.
- « L’économie mondiale est dans une phase très fragile. Des prix du pétrole plus élevés et une pression à la hausse sur l’inflation – c’est la dernière chose que nous voulons », alerte le chef de l’AIE.
- Les banques centrales du monde entier tentent depuis l’année dernière de lutter contre la forte inflation en augmentant les taux d’intérêt. Bien que cela semble avoir un effet, ces taux d’intérêt plus élevés ralentissent l’économie, car emprunter de l’argent devient plus coûteux.
- Le prix de l’énergie est l’un des moteurs de l’inflation. Si le pétrole, le gaz et d’autres produits énergétiques deviennent plus chers, la dépréciation de la monnaie augmentera également. En conséquence, les banques centrales devront maintenir plus longtemps des taux d’intérêt élevés. Dans le pire des cas, cela pourrait conduire au scénario économique apocalyptique de la stagflation : une économie stagnante avec une inflation élevée.
L’argument sans doute le plus tranchant est que l’OPEP+ n’arrive pas vraiment à faire décoller les prix, malgré ces nombreux effets d’annonce. L’impact de la demande mondial qui ralentit est beaucoup plus fort. Dans la réalité, les prix du pétrole n’évoluent plus vraiment depuis des mois, stagnant autour de la barre des 80 dollars. En fait, en baissant sa production, l’OPEP+ ne fait que limiter la casse. Mais l’organisation ne doit pas aller trop loin non plus, estime Birol, au risque de casser la machine.
(OD)