Céréales, huiles végétales, métaux, énergie : à quoi peut-on s’attendre pour les prix de ces produits cette année ? Et quelles sont les inconnues à garder à l’œil ? Des économistes donnent leurs perspectives pour le marché des matières premières en 2023.
Métaux, gaz, pétrole, céréales : qu’attendre des coûts des matières premières en 2023 ?

Pourquoi est-ce important ?
2022 a été une année particulièrement volatile pour de nombreuses matières premières - ce qui a bien sûr poussé le coût de la vie vers le haut. En 2023, les choses devraient se calmer, mais les prix resteront bien plus élevés que leur niveau de 2019, soit avant la crise sanitaire et la guerre en Ukraine.Dans l’actu : un rapport de l’Economist Intelligence Unit (EIU), intitulé « Commodities outlook 2023 : Climate Change, Conflict and China Reopening », avec les perspectives pour les matières premières en 2023, des graines à l’énergie.
Le contexte : 2022 a été une année particulièrement volatile sur les marchés des matières premières. La guerre en Ukraine n’y est pas pour rien : des peurs de manquer de gaz, de céréales, d’huiles végétales et de pétrole ont fait flamber les prix de ces produits.
- À cela, il faut ajouter des mauvaises récoltes en Inde, aux Etats-Unis et en Chine, autres grands producteurs de céréales, à cause d’événements climatiques. Pareil en Europe, qui a connu un printemps et un été particulièrement sec. Puis des limitations et interdictions d’exportations de certains produits sont également venus perturber différents marchés.
- Volatilité aussi du côté des métaux, surtout pour le nickel, principalement à cause d’un trader chinois qui a complètement raté son pari sur la baisse du prix de ce métal. Le prix s’est même justement envolé à cause de son pari et a mis en très mauvaise posture la bourse des métaux de Londres. Cette dernière a ensuite dû limiter les négociations et mouvements du prix.
- Après une année d’envolées spectaculaires des prix, des graines au gaz en passant par les métaux et le pétrole (qui s’est envolé à près de 130 dollars le baril), que pourrait bien nous réserver 2023 ?
L’essentiel : les prévisions d’EIU.
- « L’EIU s’attend à ce que la plupart des prix des produits de base, en particulier les denrées alimentaires, diminuent en 2023 en raison du ralentissement de la demande mondiale, mais une augmentation limitée de l’offre signifie que les prix resteront élevés », notent les experts.
- « Même si les prix des produits de base n’alimenteront pas l’inflation mondiale en 2023 comme ils l’ont fait en 2021-22, les risques à la hausse pour nos prévisions de prix de base augmentent et se concentrent principalement sur la Chine, le changement climatique et la poursuite du conflit en Ukraine ».
Prix des graines : légère baisse
- Pour les céréales, graines oléagineuses et huiles végétales tout comme les boissons, ce seront surtout les événements dans la mer Noire qui seront déterminants, notent les experts. C’est-à-dire si la Russie, qui bloque l’accès à la mer aux Ukrainiens, continuera à en autoriser l’exportation depuis l’Ukraine ou non.
- Au niveau des prix, les experts s’attendent à un niveau assez stable : une baisse plutôt linéaire, de l’ordre de 9% en moyenne, pour ces trois éléments. Les huiles devraient rebondir quelque peu sur la deuxième moitié de l’année. Mais ces prix seront toujours bien plus élevés qu’en 2019, comme le montrent ces graphiques :

Métaux : le prix repart à la hausse
- Pour 2023, les experts s’attendent à deux forces contraires qui jouent sur le prix des métaux. D’un côté, la reprise économique et de l’industrie en Chine exerce une pression haussière sur le prix. De l’autre côté, le demande pour métaux en Europe risque de rester basse, comme l’industrie tourne au ralenti, au vu de la crise énergétique.
- Les risques de récession, en Europe et aux États-Unis, qui se traduisent par une baisse de la demande (qui concerne aussi les importations, notamment depuis la Chine) peuvent également être un frein pour le prix, peut-on ajouter.
- Les prix des métaux devraient terminer l’année à un niveau plus élevé qu’ils ne le sont maintenant, mais ne devraient pas atteindre les sommets de l’année dernière.

Pétrole : année quasi plate pour le baril
- L’or noir devrait connaître une évolution relativement plate, et resterait ainsi en dessous des sommets atteints en 2022.
- « Nous nous attendons à ce que les prix du pétrole dépassent en moyenne 85 dollars le baril en 2023, car la production de l’OPEP (y compris la Russie) diminue d’environ 3 millions de barils par jour par rapport à son récent pic de la fin 2022. L’unité de l’OPEP et son engagement à abaisser les quotas de production face à la pression des pays occidentaux devraient être surveillés en 2023 », analysent les experts.
- Là aussi, ce sont les risques de récession qui contrebalancent les baisses de production (voire les provoquent), ce qui garde le prix relativement stable.

Gaz : la chute continue
- Les prix du gaz sont en chute ces derniers mois, et devraient continuer leur trajectoire, mais pas de manière significative. En Europe, le prix devrait même repartir à la hausse (mais finir l’année un peu plus bas que 2022), surtout sur le deuxième et troisième trimestre, où le continent remplira ses réserves ; une crainte partagée par d’autres experts d’ailleurs.
- En cause : la fin des livraisons de gaz russe, qui n’est que petit à petit remplacé par d’autres approvisionnements. Pour 2024 cependant, le prix devrait à nouveau chuter plus fortement.

Les inconnues qui pourraient changer la donne
- La réouverture de la Chine reste une inconnue, notamment à cause de la vitesse de la reprise et des potentielles vagues de covid (ou pas) qui pourraient ralentir l’activité à nouveau. Comme dit plus haut, les prix des métaux devraient partir à la hausse, mais c’est également vrai pour les prix du coton (les experts s’attendent à forte augmentation de la production de textile), tout comme pour les prix de l’énergie.
- La plus grande inconnue sera cependant le climat. « En raison du changement climatique, les événements météorologiques catastrophiques sont de plus en plus fréquents. Il s’agit notamment de La Niña, qui s’étend sur une troisième année consécutive sans précédent et sera préjudiciable à la production de maïs et de soja au cours du premier semestre 2023, en plus d’autres cultures comme le sucre et le café », notent les experts. Café (entre autres produits) dont le prix sera d’ailleurs aussi impacté par la guerre en Ukraine et le prix élevé, voire les pénuries, d’engrais qui en résultent.
- Pour le blé, il y a déjà des mauvais signes aux États-Unis et en Argentine, à cause d’une forte sécheresse, qui a un impact sur les graines déjà plantées. En Russie et en Australie, les récoltes devraient être très bonnes. Suite à la guerre en Ukraine, de nombreux acheteurs ont boycotté les graines russes l’année passée. Ils devraient continuer à le faire en 2023, ce qui pourrait aussi avoir un impact sur les prix, peut-on ajouter.
- Le climat sera une inconnue pour l’énergie aussi. 2022 a par exemple été une année particulièrement sèche et chaude, en Europe. Résultat : production d’énergie éolienne, nucléaire (à cause de la température des rivières) et des barrages à la baisse et consommation de gaz et de charbon pour produire de l’électricité à la hausse. La même chose pourrait se répéter en 2023, voire des vagues de froid tardives comme en 2021, qui auraient un impact sur le prix du gaz. Bref, une grande inconnue à garder en tête.