Au mois de mai, les livraisons de pétrole de la Russie vers la Chine ont fortement augmenté, dépassant celles de l’Arabie Saoudite. Au vu des sanctions internationales, la production de pétrole russe dépasse la demande, et Moscou brade les prix pour s’en débarrasser. La Chine lorgne également de l’oeil d’autres pétroles sanctionnés, comme celui d’Iran.
Après plusieurs va-et-vient dans sa communication, le ton semble désormais donné : la Chine se jette sur le pétrole russe. Comparées au mois de mai 2021, les importations de pétrole brut depuis la Russie ont augmenté de 55% le mois dernier, rapporte Reuters, citant l’Administration générale des douanes chinoise.
Que ce soit par bateau ou par oléoduc, la Chine a importé 8,42 millions de tonnes, ou 1,98 million de barils par jour. Il s’agit ainsi également d’une forte augmentation par rapport au mois d’avril (1,59 million de barils par jour), à hauteur de 25%.
L’Arabie Saoudite perd sa première place
La Chine est le premier importateur mondial de pétrole brut, et représente donc un marché important pour les exportateurs de pétrole. Dernièrement, l’Arabie Saoudite profitait de la première place sur ce marché. Pour asseoir sa position dominante, le royaume a même proposé d’accepter des yuans pour les paiements de l’or noir – une annonce qui avait choqué le marché, où le dollar règne en maître absolu.
Mais au final, le pétrole russe, avec son prix qui défie toute concurrence, a repris la tête des livraisons. Il avait perdu cette première place il y a 19 mois. A titre de comparaison, l’Arabie Saoudite a livré 7,82 millions de tonnes de pétrole en mai, ou 1,84 million de barils par jour. C’est une augmentation de 9% par rapport à mai 2021, mais une chute de 15% par rapport à avril (2,17 millions de barils par jour).
En prenant les chiffres depuis le début de l’année, l’Arabie Saoudite garde encore la première place, avec 38 millions de tonnes, contre 34 millions de tonnes venues de Russie. Si la tendance se poursuit le mois prochain, la Russie pourrait également dépasser l’Arabie Saoudite sur ce chiffre-ci.
Une histoire de sanctions… et d’écrans de fumée?
Si le pétrole russe est moins cher que d’autres types d’or noir (en moyenne 30 dollars de moins par baril que le brut de référence, le Brent), c’est qu’il est sous embargo et/ou boycotté par des acteurs politiques et économiques occidentaux, en réponse à l’agression russe de l’Ukraine. Pour ne pas rester avec ses stocks sur les bras, Moscou casse alors les prix.
Et Pékin, de son côté, a besoin de pétrole. Le pays se réveille doucement des confinements qui avaient bloqué une partie du territoire et fait souffrir l’économie, décrétés en mars et durant jusque début juin. Du pétrole bradé ne semble donc pas de refus.
Et ce n’est pas le seul pétrole sanctionné que la Chine achète. Les importations depuis l’Iran s’alignent également. La Chine a importé une cargaison de 260.000 tonnes en mai, selon les chiffres officiels. Il s’agit ainsi de la troisième importation depuis décembre. La Chine importe aujourd’hui plus de pétrole qu’avant les sanctions imposées à Téhéran.
Un autre pétrole sanctionné, celui du Vénézuéla, est toutefois laissé de côté par la Chine, et ce depuis la fin 2019. Les entreprises publiques auraient peur d’être exposées à des effets secondaires des sanctions américaines, rapporte Reuters.
Mais d’un autre côté, l’achat de pétrole sanctionné peut aussi passer sous les radars, entre autres si les navires éteignent leur transpondeur et ne sont plus visibles sur les cartes, si le pétrole est mélangé à du pétrole d’une autre origine, ou s’il est raffiné ailleurs. Du pétrole iranien et vénézuélien, sur son chemin vers la Chine, a ainsi déjà transité par la Malaisie. Au mois de mai, par rapport au même mois de l’année d’avant, les importations depuis cet Etat insulaire ont augmenté de 112%, pour atteindre 2,2 millions de tonnes (ce qui équivaut aux chiffres d’avril). Toujours est-il que la Malaisie est également un important producteur de pétrole, et il n’est pas confirmé que la Chine ait acheté plus de pétrole vénézuélien ou iranien que ce qu’elle ne clame. A échelle internationale en tout cas, Pékin joue le réconciliateur du monde et appelle, face à Moscou, à la paix et à la stabilité économique.