Des milliers d’utilisateurs du réseau social Vitae ont uni leurs forces pour intenter cette semaine une action en justice contre l’État. Ils considèrent le blocage de leur plateforme visée par une enquête pour fraude comme un « acte disproportionné » et s’estiment en conséquence lésés financièrement.
« Un nombre impressionnant », avoue l’avocat Hans Van de Wal, du cabinet belge Elegis. Vingt mille membres du réseau social Vitae, venus des quatre coins du monde, l’avaient contacté cet été pour explorer les actions en justice qu’il serait possible d’entamer. Avec une telle quantité d’intervenants, élaborer la liste des plaignants a pris du temps, ne serait-ce que pour vérifier l’identité de tout ce petit monde.
Me Van de Wal avait ensuite contacté de façon informelle le juge d’instruction Philippe Van Linthout et adressé une mise en demeure à l’État.
« Après plusieurs semaines de silence, le juge d’instruction a répondu. La réponse semble plutôt évasive et se concentre sur des points non pertinents, sans aborder la question clé : pourquoi la plateforme est-elle bloquée depuis juin, portant ainsi préjudice à des personnes innocentes », indique le collectif de plaignants.
Juge e(s)t bourreau ?
Compte tenu de cette réaction, l’avocat des utilisateurs de Vitae a entrepris deux actions cette semaine. Il a d’abord présenté au juge Van Linthout une requête formelle, conformément à l’article 61quater du Code d’instruction criminelle.
Toute personne lésée par un acte d’instruction relatif à ses biens peut en demander la levée au juge d’instruction. Le juge d’instruction doit alors statuer, mais il peut rejeter la requête s’il estime que la levée de l’acte présente des risques (compromission de l’enquête, préjudice irréparable, etc.).
« Tout n’est pas toujours très clair dans une instruction. Souvent on pense qu’on comprend un dossier mais quand l’enquête est menée et qu’on dispose de toutes les preuves, on doit conclure que les inculpés ne sont pas coupables », a exposé l’avocat au collectif de membres de Vitae.
« Nous avons contacté informellement le juge et partagé les informations avec lui pour demander la réouverture de Vitae car les utilisateurs sont confrontés à des conséquences disproportionnées. Ces membres sont innocents ».
« L’État doit payer »
Parallèlement, la mise en demeure étant restée sans réponse, Hans Van de Wal a assigné l’État belge à comparaître.
« Notre lettre recommandée restée sans suite avait pour but d’informer l’État belge que 18.000 personnes sont d’opinion que l’État doit payer une compensation pour les mesures disproportionnées prises par le juge d’instruction, dédommager les conséquences financières graves pour les utilisateurs qui ont des comptes en cryptomonnaies Vitae », a remis en contexte l’avocat du cabinet Elegis.
Il est compliqué pour l’avocat des « Vitaers » de confronter le juge car il n’a pas accès aux informations de l’instruction, qui reste confidentielle. Les documents de l’instruction sont seulement ouverts aux inculpés (accès automatique) ou aux parties. Or les clients d’Elegis ne sont pas parties et interviennent en marge de l’affaire de fraude pyramidale.
« Le juge avait le droit de prendre cette décision, oui, mais est-elle proportionnelle ? Les autorités belges ne disposaient-elles pas d’autres possibilités de protéger l’instruction sans bloquer l’accès aux milliers de membres ? Plus le blocage perdure, plus les dommages s’accentuent. Cette décision ne me paraît pas juste », ponctue l’avocat Hans Van de Wal.
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