Affaire Vitae : « Une arnaque unique dont les victimes n’ont toujours pas conscience »

Un dossier judiciaire aussi surréaliste que préoccupant, nous assure Rik Vanreusel, avocat spécialisé en droit pénal. Cet associé du cabinet De Groote – De Man représente des clients à qui Vitae aurait porté préjudice, en Belgique et à travers le monde. Il tente de sensibiliser face à cette fraude massive incroyablement sous-estimée.

« Le nombre de believers qui s’accrochent encore à Vitae s’avère impressionnant », nous confie Rik Vanreusel, associé du cabinet gantois De Groote – De Man. Cet avocat spécialisé en droit pénal accompagne des personnes qui s’estiment lésées financièrement par l’entreprise Vitae et comptent se constituer partie civile dans les prochaines semaines.

Pour mémoire, Vitae est le nom d’une société anonyme fondée à Zoug, en Suisse, mais gérée en pratique par des hommes d’affaires anversois qui ont été arrêtés fin juin. Le parquet fédéral les soupçonne d’opérer une escroquerie financière internationale de type Ponzi. Mais, dans l’intérêt de l’enquête, le parquet ne fournit pas pour l’heure de commentaire ou d’informations supplémentaires.

« Il s’agit d’une arnaque unique en son genre, mêlant fraude pyramidale, marketing de réseau, matrice de récompense en cryptomonnaies et réseau social solidaire basé sur la blockchain. Cette combinaison de fraude à l’investissement et de plateforme d’économie de partage complique le rassemblement des victimes », expose Rik Vanreusel

Pourtant, le média social Vitae et son utility token du même nom, le VITAE, attiraient déjà une vaste communauté de plus de 220.000 utilisateurs disséminés sur l’ensemble des continents. Ce qui laisse craindre à l’avocat des victimes belges un effet d’échelle et des préjudices financiers bien plus considérables qu’on ne le croit.

Des adeptes incrédules aux accusations

« Nous sommes face à une fraude massive qui reste étonnamment minimisée. Très peu d’informations officielles ont été données et l’enquête se poursuit. Mais il est préoccupant de constater que la majorité des victimes n’ont pas encore conscience d’être des victimes », observe Me Vanreusel.

L’expert en droit pénal en veut pour exemples la pétition aux 41.000 signataires (que la plateforme Change a entretemps supprimée pour violation du règlement a appris Business AM) ; la campagne sur les réseaux sociaux visant le juge d’instruction en charge du dossier Vitae, Philippe Van Linthout, et flirtant avec le cyberharcèlement ; ou encore l’hyperactivité des membres vietnamiens de Vitae.

« Le système judiciaire belge aura un gros problème quand il comprendra avoir arrêté des innocents et fermé notre réseau social pour rien pendant tout ce temps », nous expliquait jeudi Phạm Hồng Cẩn, un fidèle de Vitae résidant à Hô-Chi-Minh-Ville.

Car le site pour accéder à la plateforme sociale, Vitae.co, et celui lié au jeton numérique, Vitaetoken.io, sont bloqués depuis près d’un mois par les autorités belges. Ce qui n’a pas pour autant marqué l’arrêt total de Vitae, sa blockchain continuant d’enregistrer des transactions de milliers de monnaies digitales chaque jour et une constellation d’autres sites ou messageries en ligne continuant de démarcher les internautes.

Tentative de réparation

Tenu au secret professionnel, l’avocat Rik Vanreusel ne peut se montrer plus explicite sur la situation des victimes qu’il conseille pour l’instant mais indique que ces dernières ont vu leurs comptes Vitae vidés de leurs tokens dans des circonstances suspectes.

« Il est essentiel à présent pour tous les membres de Vitae, de Belgique comme de l’étranger, de dissiper tout doute qu’ils pourraient avoir sur cette plateforme présentée comme révolutionnaire. Il est certainement opportun de vérifier qu’ils ont bel et bien accès à tous leurs fonds », insiste le spécialiste du cabinet De Groote – De Man. « Si le moindre soupçon existe, mieux vaut s’entourer d’avocats. Et il est nécessaire pour les victimes de se rassembler, de se porter partie civile pour conférer plus de poids à la défense de leurs intérêts et de rester jusqu’au bout d’une procédure judiciaire pour espérer récupérer un dédommagement ».

Renseignements pris à bonnes sources, quelque 5 millions d’euros auraient déjà été retrouvés par la justice belge dans l’écosystème web de Vitae. Un montant que ni le parquet, ni l’avocat belge des victimes ne confirment ou n’infirment. Mais si procès Vitae il y a dans les prochains mois et qu’il débouche sur une condamnation, cette somme serait partagée entre les victimes.

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