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Alors que le yen est au plus bas en 24 ans, le Japon a les mains liées pour arrêter la saignée

Alors que le yen est au plus bas en 24 ans, le Japon a les mains liées pour arrêter la saignée
(Getty Images)

Un déclin de plus de 24% depuis le début de l’année et un niveau plus vu depuis 1998. La devise nationale du Japon ne se porte pas bien. Malheureusement, les politiques monétaires du pays ne lui permettent pas vraiment d’intervenir pour sauver sa monnaie.

Livre, euro, yuan… Toutes les devises sont perdantes par rapport au dollar cette année. Mais pour le yen, la chute est particulièrement douloureuse. Depuis le début de l’année, la monnaie japonaise a perdu 24% par rapport au dollar, passant de 115 yens pour 1 $ le premier janvier à 143 ce mardi matin. Le 7 et le 13 septembre, elle a même frôlé les 145 yens pour 1 dollar.

Au Japon, la situation économique est différente de celle de nos contrées. L’inflation est à un taux de 2,8%, ce qui est peu comparé aux 10% que connaît la Belgique ou les 8,3% dont souffrent les États-Unis. C’est tout de même plus que l’objectif de 2% de la Banque centrale, mais aussi des 0,50% du mois de janvier. Et l’inflation pourrait continuer de grimper pour dépasser les 3% en octobre.

La Banque du Japon n’a pour l’instant pas tiré sur le frein à main, et les taux d’intérêt sont au plus bas depuis longtemps (-0,1% depuis 2016), ce qui provoque la chute du yen (étant donné que les autres banques, telles que la Fed, augmentent les taux d’intérêt). La banque place la croissance avant toute chose.

Taux d’intérêt directeur au Japon sur 25 ans. Crédit : Tradingeconomics.com

Premiers signes d’un changement de cap?

Mais la banque du Japon pourrait être en train de changer de stratégie. Des premiers signes apparaissent en tout cas. La semaine dernière, la Banque centrale a passé en examen les échanges monétaires internationaux, rapporte Nikkei Asia.

Cet examen est une sorte d’observation des tendances sur les marchés monétaires internationaux. Un tel examen est vu comme une première étape de préparation d’une intervention physique et plus formelle de l’institution bancaire.

Courbe de rendement bloquée

Mais une telle intervention a un obstacle devant elle : la courbe de rendement sur les obligations d’Etat sur dix ans est bloquée autour de 0% depuis 2016. La Banque en rachète également en masse, de manière illimitée, pour garder cette courbe de facto en dessous de 0,25%. Un tel taux décourage les investisseurs, ce qui provoque aussi la saignée du yen, à l’heure où les taux de rendement sur une obligation américaine sur 10 ans sont de près de 3,5%, par exemple. Même le taux belge est plus intéressant. Avec ce plafond, il est difficile d’imaginer comment la banque pourrait augmenter les taux d’intérêt.

Joey Chew, spécialiste des marchés monétaires asiatiques auprès de HSBC, explique à CNBC que la Banque garderait le cap sur cette stratégie, plutôt que d’intervenir sur les marchés financiers. Intervenir sur le marché, par exemple en vendant des dollars (comme le fait la Chine pour essayer de limiter la chute du yuan), tout en gardant le blocage des courbes de rendement serait d’ailleurs une action contradictoire, explique-t-elle.

« Les discussions sur les interventions de change à ce stade pourraient ne pas avoir d’impact significatif », ajoute Chew. « Même une intervention réelle pourrait n’entraîner qu’une réaction importante, mais de courte durée. »

Même constat du côté de Goldman Sachs : la banque de Wall Street s’attend à ce que le Japon garde le contrôle des courbes de rendement en place. Une action pour sauver le yen n’aurait pas beaucoup de chances de réussir, estiment les économistes.

Les vestiges de Shinzo Abe

Un autre élément qui pourrait bloquer une éventuelle intervention en faveur du taux de change du yen est les politiques économiques du temps de feu Shinzo Abe, ancien premier ministre, aussi appelées Abenomics. En résumé, il s’agit de plans de soutiens, de politiques monétaires souples, comme des taux bas, et de réformes. Pour la banque Nomura, avant qu’un changement réel puisse avoir lieu, le nouveau premier ministre, Fumio Kishida, en fonction depuis environ un an, devrait se distancier des Abenomics.

« La première étape nécessaire vers la normalisation serait que le Premier ministre Kishida montre que sa priorité politique s’est désormais éloignée des Abenomics, et qu’il ne tolérera plus une nouvelle dépréciation du yen », estime Naka Matsuzawa, stratégiste de Nomura, cité par CNBC.

La Banque du Japon rendra son verdict jeudi, après une réunion concernant les politiques monétaires. Soit un jour après la réunion de la Fed, où une hausse du taux d’intérêt de 75 points de base (voire plus) devrait tomber. Cette dernière fortifiera encore davantage le dollar, et on peut déjà s’attendre à des glissements des autres monnaies.

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