La guerre en cours entre l’Ukraine et la Russie a déjà traversé plusieurs retournements de situation, et l’un des plus retentissants fut sans conteste le naufrage du Moskva, vaisseau amiral de la flotte russe de mer Noire, envoyé par le fond à coup de missiles antinavires. Depuis, la Russie n’est plus tant à son aise sur mer, ce qui limite ses capacités d’action sur la côte sud de l’Ukraine. Et Kiev maintient la pression, par tous les moyens.
Une situation qui tourne à la perte d’initiative, maintenant que les Ukrainiens multiplient les frappes jusque sur la péninsule de Crimée. Craignant vraisemblablement un autre coup d’éclat cinglant, la marine russe a visiblement décidé de regrouper une partie de ses navires dans des eaux plus sûres, et en particulier ses sous-marins de classe Kilo armés chacun de quatre missiles de croisière Kalibr, précise le média spécialisé Opex360. Ceux-ci ont quitté la base navale de Sébastopol, en Crimée, pour s’amarrer dans celle de Novorossiisk, sur la côte russe, soit normalement hors de portée des missiles et des « munitions rôdeuses » (des drones kamikazes chargés d’explosifs) déployés par les Ukrainiens.
Munitions rôdeuses, dans le ciel comme sous les eaux ?
Sauf qu’il semble bien que ces derniers déploient maintenant d’autres types d’armes sans pilotes, ni plus aériennes, mais sous-marines. Le 21 septembre dernier sont apparues sur les réseaux des photos d’un étrange engin naval entièrement noir, apparemment échoué sur une plage de Crimée. Il s’agit d’un drone naval, soit tout simplement un navire sans pilote, d’un modèle encore inconnu.
Ce drone naval est apparemment équipé d’une caméra électro-optique, d’un télémètre laser, et d’une antenne satellite ressemblant à un modèle commercialisé par Starlink, dont le déploiement en urgence en Ukraine a permis de remplacer les infrastructures détruites, mais aussi de continuer à faire voler des drones. Et l’avant de l’engin, selon certains experts, ressemble bien à un détonateur.
Retrouver des eaux plus sûres ou garder le cap ?
La réaction des Russes nourrit d’ailleurs la thèse d’un drone marin kamikaze bourré d’explosifs : selon le gouverneur de Sébastopol, Mikhail Razvozhaev, ce drone naval a été remorqué en haute mer pour y être détruit après examen. S’il ne s’agissait que d’un simple engin d’observation, nul doute qu’il aurait été conservé pour étude comme pour servir de trophée. L’explosion de l’engin aurait d’ailleurs été entendue de fort loin sur la péninsule de Crimée.
Les caractéristiques exactes de ce drone naval demeureront inconnues, et on ne peut que tenter de deviner s’il représente un réel danger pour la flotte russe, en particulier si celle-ci quitte Sébastopol. Mais il s’agit du premier indice de déploiement de ce genre d’arme dans la guerre russo-ukrainienne, lointaine descendante des torpilles pilotées de la Seconde Guerre mondiale, célèbres pour frapper jusque dans les ports. Un facteur de stress de plus pour une marine russe de moins en moins en sécurité.
Des engins américains ?
Et une mauvaise nouvelle dans tous les cas, pour le Kremlin : subir des attaques en Crimée – considérée comme un territoire russe, d’ailleurs très touristique – sape les récits victorieux de la propagande. Abandonner la péninsule reste inimaginable, mais y stationner des unités militaires de haute valeur, comme des navires de guerre, c’est aussi laisser aux Ukrainiens l’opportunité de frapper fort sur des cibles aussi stratégiques que symboliques.
Quant à la provenance de ces drones marins, il n’est pas exclu qu’ils aient été fournis par Washington : dans les 800 millions de dollars d’aide militaire annoncés par les Etats-Unis en avril dernier, on peut trouver mention de « navires de défense côtière sans équipage » fait remarquer Opex360. S’agit-il de ce genre d’engin kamikaze ? C’est une possibilité.