Et si le palais forçait une rencontre entre De Wever et Di Rupo ?

OPINION – Comment procéder au niveau fédéral ? Cette question sera inévitablement posée au conseil d’administration du Palais dans un avenir proche. La mission des informateurs actuels semblent avoir pris fin, puisque la N-VA et le PS n’ont pas pu être réunis. L’impasse semble totale. Il est temps d’essayer l’arc-en-ciel, ou d’abord une ultime tentative du roi pour les réunir ?

Imaginez si, après le renvoi inévitable de Didier Reynders (MR) et Johan Vande Lanotte (s.pa) comme informateurs, le roi désignait simplement Bart De Wever (N-VA) et Elio Di Rupo (PS). Les deux plus grands partis, les deux hommes les plus puissants aussi, seraient réunis dans une seule pièce.

Parce voici la triste conclusion : il n’y a pratiquement eu aucun contact entre les deux dirigeants au cours du mois dernier. Une invite, très peu de temps après les élections, est parti du siège de la N-VA, demandant un dialogue. Une réponse polie mais négative lui a fait suite.

Pas une seule conversation, pas un seul coup de fil, encore moins un contact physique entre les deux poids lourds a suivi. Pourtant, la relation personnelle entre les deux hommes n’est pas mauvaise : sur le plan humain, malgré la position souvent politiquement hostile des partis, il y a toujours eu un bon souvenir de négociations correctes dans le passé.

Informateur Johan Vande Lanotte (sp.a)

Mais 2010 n’est pas 2019. Pendant un mois, le camp du PS a fait savoir son refus total de s’asseoir avec la N-VA à la même table et même d’avoir une seule conversation. Pourtant, les informateurs ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour y parvenir. Johan Vande Lanotte (sp.a) avait cette mission explicite en tant que socialiste ayant de bonnes relations avec la N-VA et a été envoyé en tant que sentinelle. Un premier contact discret, pour voir tranquillement ce qui était possible ensemble, devait suivre.

Y at-il encore des informateurs ou pas ?

Le fait que la question de la N-VA ait été posée pendant un mois, puis que le PS ait maintenu la porte fermée, a été la raison pour laquelle la première a pris une décision lors de sa réunion de parti lundi : on ne peut plus attendre la formation d’un gouvernement flamand. Au terme d’un mois, nous en sommes encore à une première phase vague, dans laquelle aucun parti n’a encore été écarté, hormis le PTB.

La N-VA a discuté de la question en interne lundi, ce qui a fuité dans De Tijd, mais c’est Theo Francken (N-VA) qui s’en est ouvert officiellement avec une série de tweets hier matin pour attaquer le PS de front. De toute évidence, cette question n’a pas été discutée avec les autres chefs de parti. « Eh bien, Théo », soupire-t-on à l’intérieur du parti. Hier soir, la figure de proue de la N-VA a également commencé à attaquer Kris Peeters, le vice-Premier ministre sortant du CD&V, sur Twitter. Ce dernier a donc répondu avec des documents du dernier gouvernement précédent. Les escarmouches se sont poursuivies ce matin sur Twitter. Pas vraiment prometteur du tout, dans un contexte de formation de gouvernements.

Theo Francken N-VA
epa

Quoi qu’il en soit, le PS est blâmé par la N-VA, et tout le monde connait maintenant la teneur des pourparlers (qui n’ont jamais eu lieu). Les informateurs Vande Lanotte et Didier Reynders, peuvent tout de suite faire leurs bagages. Lundi, ils ont rendez-vous avec le roi, il serait logique qu’ils mettent fin à leur mission. Ce message a fait l’actualité hier, probablement parce que le socialiste a indiqué qu’il le ferait. Mais c’était sans compter sur Reynders, qui a fait corriger ce message par l’intermédiaire de son porte-parole.

Deux options: soit le retour de la N-VA, soit  arc-en-ciel

Démission ou pas, cela ressemble dans le détail à une mission ratée. Le palais a maintenant deux options. Soit réessayer avec la N-VA ou prendre la voie qu’Elio Di Rupo (PS) a proposée dès le premier jour et que Paul Magnette (PS) a répété plus tard : un arce-en-ciel, éventuellement complété par le CD & V.

Il y a de fortes chances que les francophones ne veuillent pas coopérer avec les nationalistes flamands. Le PS et Ecolo ont tous deux opposé un droit de veto, qu’ils fondent sur deux raisons : La N-VA parle aussi au Vlaams Belang, et surtout, la N-VA ne veut négocier le confédéralisme qu’au niveau fédéral. Ce premier argument est pour la galerie, et même le roi reçoit aujourd’hui le Vlaams Belang. La seconde est une position de négociation, qui doit ensuite être clarifiée lors d’un entretien. En tout état de cause, cela serait déjà possible dans un scénario selon lequel le Palais lui-même forcerait un dialogue direct entre le PS et la N-VA.

Dans le premier cas, le roi devrait laisser quelqu’un de la N-VA faire le déplacement, qu’il le fasse ou non avec un autre parti. L’idée d’un travail en duo avec un représentant du PS n’est pas si folle que ça. Outre l’idée folle qu’il pourrait s’agir des deux présidents, la question qui se pose est bien sûr de savoir comment on pourrait échapper à une pantomime.

Jean-Marc Nollet

La deuxième option, l’ar-en-ciel, semble beaucoup plus viable à moyen terme. Dans ce scénario, le PS, Ecolo, Groen et Sp.a doivent « dépanner » le gouvernement minoritaire actuel. C’est possible lors de la première phase d’un gouvernement d’urgence, et c’est exactement ce que Paul Magnette (PS) a proposé à la télévision RTBF il y a quelques semaines. Un tel scénario peut certainement fonctionner mathématiquement : un arc-en-ciel a une majorité d’un siège. Avec le CD & V, il aurait 13 sièges supplémentaires.

Les obstacles pour l’arc-en-ciel sont également assez forts

Il est donc possible que le PS soit pressé de tenter de mettre en place une telle construction. Mais le PS devra alors lever beaucoup d’objections. Qui pourrony émaner des trois partis qui doivent se rallier à un tel scénario : les libéraux de MR et Open Vld, et les démocrates-chrétiens de CD&V.

Pour commencer, le PS s’obstine à tenir le MR à l’écart des pourparlers de coalition en Wallonie et à Bruxelles. C’est d’autant plus étrange, que dans cette première région, il n’ya pas de majorité sans les libéraux francophones. Magnette et Di Rupo sont ainsi contraints par leurs partisans de continuer sur la voie d’un gouvernement minoritaire, qui semble néanmoins très compliqué à mettre en place techniquement. Pire : cela empêche toute conversation normale avec le MR, et donc à l’émergence d’une solution pour le fédéral.

Wouter Beke (CD & V)
Le président de CD & V, Wouter Beke.

En plus du MR, il existe Open Vld et CD & V. Ils sont réticents à entrer dans un gouvernement minoritaire côté flamand, mais encore plus réticents à rejoindre un gouvernement dominé la gauche et les socialistes francophones. Après une victoire de droite en Flandre, ce n’est pas le moment, pensent-ils. Les deux ont très peu à gagner d’une telle construction, sauf si elle devait ouvrir des perspectives de carrière personnelle pour leurs figures de proue Les francophones ne semblent pas avoir de problème à offrir le Seize à un Flamand : Wouter Beke (CD & V) et Gwendolyn Rutten (Open Vld) peuvent commencer à rêver.

La pression de De Wever

Mais ce n’est pas tout. Open Vdl et CD & V sont mathématiquement inutiles s’ils interviennent ensemble. Cela rend la situation encore plus désagréable, car ils peuvent être menacés. CD & V pourrait donc ne pas participer à une telle expérience, mais Open Vld pourrait tout aussi bien s’y adapter.

Les deux sont également tenus de se rallier à De Wever au niveau flamand et de former une coalition avec la N-VA. Ce dernier a indiqué dès le premier jour qu’il ne souhaitait pas participer à des scénarios dans lesquels il formerait un gouvernement flamand avec CD & V et / ou Open Vld, pour être poussé dans l’opposition au niveau fédéral, avec CD&V et/ou Open Vld dans la majorité.

Tout cela pour dire : même si le PS prend bientôt l’initiative et qu’il opte pour l’arc-en-ciel, ce sera une tâche très, très difficile. C’est peut-être pour cette raison que certains résidents de la Rue de la Loi ne voulaient pas que Reynders et Vande Lanotte s’en aillent hier. Tout est difficile et personne ne veut passer à l’action au niveau fédéral. Ce sera un été long et fatigant pour le roi Philippe…

L’auteur Wouter Verschelden est journaliste politique et éditeur des sites d’informations Newsmonkey.be et Express.be.

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