Réunion discrète entre le top du MR et du CD&V pour recoller les morceaux

Après le ‘non’ de Magnette à une coalition PS/N-VA, la Vivaldi (sans la N-VA) revient sur le devant de la scène. On est toutefois loin du compte: l’Open VLD n’a fait qu’une petite ouverture, le CD&V bloque toujours et le MR temporise. Il faut d’abord panser les plaies.

Le roi termine aujourd’hui son tour de table avec les présidents de parti: c’est au tour de Paul Magnette (PS), Gwendolyn Rutten (Open VLD), Joachim Koens (CD&V) et François De Smet (DéFI).

Presque tout le monde attend maintenant que la mission soit donnée à l’Open VLD qui n’a pas encore mené les débats. Au MR, Georges-Louis Bouchez a rappelé qu’il ne voulait pas griller ‘sa’ Première ministre Sophie Wilmès. On ne prend pas le chemin d’un gouvernement d’urgence greffé au gouvernement en affaires courantes.

Le CD&V campe lui sur ses positions après l’échec de Koen Geens. ‘On a déjà donné’, peut-on entendre. Conner Rousseau (SP.A) s’est montré très conciliant ces derniers jours, mais il parait peu probable, à 27 ans, qu’il reçoive une mission royale. Le duo Ecolo-Groen, qui fait aussi preuve de bonne volonté ces derniers temps, n’est pas non plus une priorité pour le Palais.

Reste sur la liste l’Open VLD – Rutten sera d’ailleurs la dernière à se présenter au Palais ce mercredi – et le nom d’Alexander De Croo fait figure de favori. Il a le soutien de son parti et il est ministre des Finances, pas négligeable, quand le budget dérape de jour en jour.

De là à construire directement une coalition Vivaldi ? Peu de chance. Il laissera toutes les options ouvertes. Le nom de Vivaldi sera d’ailleurs surement remplacé, il était le fruit du marketing politique de GLB qui en a la paternité, mais l’expression est sans doute maintenant trop connotée négativement. Le ‘gouvernement d’urgence’ (non greffé à celui des affaires courantes donc) devrait lui être préféré.

La rencontre MR-CD&V

La tension est toujours palpable entre le PS et le CD&V. Nous reviendrons plus tard sur la communication du PS, parfois constructive, parfois maladroite, parfois catastrophique. Du concret a eu lieu ce mardi.

Deux délégations de haut niveau se sont rencontrées entre les libéraux francophones et les démocrates-chrétiens flamands. D’un côté de la table: Georges-Louis Bouchez (MR), Sophie Wilmès (MR) et David Clarinval (MR). De l’autre: Koen Geens (CD&V), Hilde Crevits (CD&V) et Joachim Coens (CD&V). Le tout s’est passé au siège du MR.

Une sorte de séance thérapeutique: le CD&V gardait apparemment les séquelles de la rupture de la mission de Koen Geens par Magnette. La communication émotionnelle du ministre de la Justice du weekend dernier était encore palpable. ‘Le CD&V a clairement été très touché par ce qui s’est passé. Les personnalités politiques le prennent aussi personnellement. La façon dont la mission de Koen Geens a été torpillée, le CD&V ne l’oubliera pas facilement’, nous rapporte une source à la table des discussions.

Historiquement, le CD&V a construit un lien très fort avec les socialistes. Dans les années 90, il y a avait le tandem Jean-Luc Dehaene (CD&V) – Louis Tobbiack (SP.A). Plus récemment, Elio Di Rupo entretenait de bonnes relations avec les démocrates-chrétiens. Certains le regrettent: ‘Cela ne serait pas arrivé avec Elio Di Rupo. Oui, l’esprit politique que nous avons connu au PS me manque un peu’, avait reconnu publiquement le jeune ministre Benjamin Dalle (CD&V) sur Radio 1.

Le regretté Di Rupo (PS) – EPA.

Il ressort de la réunion que Paul Magnette aurait donné des signes très différents et contradictoires à ses homologues du MR et du CD&V. ‘S’il y a des mensonges permanents, vous ne pouvez pas travailler, bien sûr. C’est vraiment un problème avec le PS’, nous glisse une personne impliquée.

La volonté de Paul Magnette serait de se positionner à la gauche de son parti: ‘Partout en Europe, les socialistes sont affaiblis par une gauche plus radicale. En tant que professeur de sciences politiques, Magnette fait apparemment l’analyse qu’il doit aller beaucoup plus à gauche pour survivre. Un compromis devient chaque fois plus difficile.’

Il s’agit bien sûr ici d’une interprétation de notre interlocuteur. Mais un rapprochement entre le MR et le CD&V a des conséquences stratégiques. Au-delà, ce sont libéraux et démocrates-chrétiens qui se rabibochent: vendredi dernier, Joachim Coens et Gwendolyn Rutten ont déjeuné ensemble. Rappelons qu’ils font toujours partie du gouvernement en affaires courantes, avec le MR.

Mais il faut recoller les morceaux. Lors des négociations autour de l’arc-en-ciel, le CD&V n’était pas à la table des discussions, l’Open VLD n’insistant pas pour sa présence. Dans l’autre sens, le CD&V a écarté l’Open VLD lors de la tentative de la ‘Diables rouges’. Là aussi, il faut panser certaines plaies. Le MR par contre a toujours voulu impliquer le CD&V dans une potentielle Vivaldi. Le genre de détail qui ne s’oublie pas.

Conclusion: si une Vivaldi devait finalement aboutir avec le PS et sans la N-VA, les trois partis pourraient former un bloc et seront sans doute très exigeants.

La communication du PS

Après le langage guerrier de la N-VA pour former un front flamand, la Vivaldi ne semble en effet pas enterrée. Mais le nœud du problème est comme on l’a vu l’entente entre le PS et le CD&V.

Après de vifs échanges par comptes Twitter interposés, le PS a voulu calmer le jeu: Paul Magnette est pour la construction de ‘ponts’ et non de ‘fronts’. Il a agrémenté sa communication d’une vidéo ludique expliquant la situation, et ce, dans les deux langues.

Avec les victoires électorales du PTB et du Vlaams Belang, il a raison de dire que le jeu est devenu extrêmement difficile. Car le nombre de sièges pour former une majorité est fortement réduit: ‘Impossible de former une coalition de centre-droit ou de centre-gauche’ en raison des scores des deux partis aux extrêmes du spectre politique.

Une juste analyse qui veut dire que la future coalition ne pourra se faire qu’au centre et en nombre. Et quant aux velléités institutionnelles de la N-VA, il rappelle que ‘la constitution n’est pas ouverte à révision’, et qu’il n’y a de toute façon ‘pas de majorité des deux tiers pour cela’. Le président des socialistes a enfin réexprimé son attachement à la Belgique, là encore pour contrer le discours de Bart De Wever et ses velléités de confédéralisme. Bien.

Le souci, c’est qu’il y a toujours une sorte de court-circuitage qui tombe mal. D’abord, ce qui pourrait faire figure de simple plaisanterie, mais qui a été très mal perçu en Flandre: une story Instagram sur la compte du président du PS qui montrait assez violemment que le CD&V s’était flingué tout seul (concernant la mission de Koen Geens). On repassera pour la forme.

Ensuite, dans une interview à l’Echo, dans laquelle une source socialiste lâche une petite bombe communicationnelle: ‘Demain, Bruxelles sera une ville internationale majoritairement francophone. Ils peuvent aller chercher une nouvelle capitale à Anvers.’ On ne fait pas mieux pour attiser les tensions dans un pays qui joue quand même sa survie.

Là encore, la phrase n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd et été reprise massivement au nord du pays.

Si une Vivaldi devait aboutir, il est clair pour tout le monde que ce genre de communication doit cesser.

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